Islande – littérature islandaise médiévale

Posted By Philippe on 21.12.2023 | 0 comments


Généralités

Une saga (mot islandais, de pluriel sögur) est un genre littéraire développé dans l’Islande médiévale, aux XIIe et XIIIe siècles, consistant en un récit historique en prose, ou bien une fiction ou légende.

Selon le linguiste Régis Boyer, « On appelle saga un récit en prose, toujours en prose, ce point est capital, rapportant la vie et les faits et gestes d’un personnage, digne de mémoire pour diverses raisons, depuis sa naissance jusqu’à sa mort, en n’omettant ni ses ancêtres ni ses descendants s’ils ont quelque importance ». Notons encore qu’une saga n’est qu’extrêmement rarement une légende ou un conte.

Le mot vient du verbe segja, « conter », « raconter » (comparer avec l’allemand sagen ou l’anglais to say). L’auteur de sagas, souvent anonyme, est un sagnamaðr (pluriel sagnamenn).

En dehors de toutes les catégories des sagas, le Landnámabók (« Livre de la Colonisation ») retrace la colonisation de l’Islande aux IXe et Xe siècles. Cet ouvrage est unique en son genre car il n’existe pas d’équivalent pour un autre pays. Il est par ailleurs répertorié comme étant lié aux sagas.

Dans le contenu des sagas, les phénomènes propres au folklore païen se voient teintés par une influence chrétienne. Outre cette symbiose culturelle, les sagas nous renseignent également sur des éléments de mœurs et de société de l’ère viking. La relation complexe entre la tradition orale du passé païen et la culture littéraire chrétienne du Moyen Âge offre un beau défi d’interprétation aux historiens de cette période. Bien que l’histoire politique ne traite plus les sagas textuellement comme au XIXe siècle, ces textes demeurent des sources importantes pour l’ethnologue, l’anthropologue et l’historien des mentalités.

On a longtemps pensé que les différentes catégories de sagas s’étaient succédé. Il semble désormais établi qu’on ne peut pas faire de chronologie de ces différentes catégories, mais qu’elles ont surgi de manière concomitante. Selon la classification apportée par l’étude de Sigurður Nordal dans Nordisk Kultur VIIIB (1953), il existe cinq catégories de sagas. Les sagas royales, les sagas des Islandais, les sagas des contemporains, les sagas des chevaliers et les sagas légendaires. Cette classification se fait dans ce cas en fonction de l’écart de temps séparant l’époque où l’auteur vécut avec l’époque des événements qu’il rapporte.

Ces sagas apportent une ambiguïté quant à leur valeur comme sources historiques. Certains de ces récits sont en effet entre le récit de fiction et la source historique notamment les Sagas des Contemporains ou les Sagas des Islandais. Plusieurs raisons peuvent expliquer cela. D’abord les auteurs se mettent en retrait (anonymat). Ensuite, c’est souvent un ton neutre, annaliste qui est utilisé. Enfin de l’objectivité dont ils semblent faire preuve : en effet, ces sagas sont remarquables par le sérieux de leur documentation. Elles citent leurs sources, confrontent les témoignages… Ces éléments caractérisent un ton neutre et scientifique, et longtemps certaines sagas eurent le statut de documents irrécusables. Cependant l’école islandaise (Sigurður Nordal, Einar Ól. Sveinsson et leurs disciples notamment) ont démontré qu’il fallait rester prudent face à ces récits. Par exemple la saga de Hrafnkell qui était considérée comme le modèle de la relation impartiale, pourrait n’être qu’une habile affabulation. Le genre semble également être de moins en moins crédible plus le temps passe, tout en gagnant en habileté artistique.

D’autres considérations sur les sagas :

Les sagas islandaises : de la mémoire à l’écriture … et une définition“, de Régis Boyer, mars 2003

Eddas and Sagas Iceland’s Medieval Literature de JÓNAS KRISTJÁNSSON, translated by Peter Foote, Reykjavik Hið íslenska bókmenntafélag 1988

 

Sagas royales

Les « sagas royales » (Konungasögur) sont les sagas qui traitent des rois danois, norvégiens et suédois. L’exemple le plus connu est l’Heimskringla, de Snorri Sturluson, qui regroupe en fait seize sagas consacrées à tous les rois de Norvège jusqu’à la fin du douzième siècle.

En dehors de l’Heimskringla, on peut également citer la Fagrskinna, la Morkinskinna ou la Sverris saga. L’histoire de l’île de Gotland est traitée dans Saga des Gotlandais, qui est la seule saga écrite en dehors de l’Islande et de la Norvège.

 

Sagas des Islandais

Les « sagas des Islandais » (Íslendingasögur) ou « sagas de famille » ou « sagas du passé » (fortidssagaer selon la terminologie danoise de Sigurdur Nordal). Ces sagas se rapportent aux hauts faits d’un ancêtre ayant vécu aux Xe siècle ou XIe siècle. Six sagas sont particulièrement exemplaires d’après Régis Boyer (la Saga de Hrafnkell, la Saga d’Egill, fils de Grímr le Chauve, la Saga de Snorri le godi, la Saga des gens du Val-au-Saumon, la Saga de Grettir le Fort et la Saga de Njáll le Brûlé). Ainsi l’Egils Saga Skallagrímssonar sans doute écrite par Snorri Sturluson présente un viking, qui fût un scalde et un grand magicien, de sa naissance jusqu’à sa mort. La Saga de Brennu-Njáls met en scène deux amis qui seront menés par une destinée funeste, dans un climat mêlant le pathétique de la tragédie et la noblesse de cœur. Les héros de ces sagas sont des expéditions vikings qu’ils ont menées ou de qualités personnelles (sens de l’amitié, talent poétique, mœurs chevaleresques, etc.).

 

Sagas des contemporains

Les « sagas des contemporains » (Samtíðarsögur) font, comme leur nom l’indique, la narration d’évènements contemporains à la vie de l’auteur. Il s’agit notamment des Sagas d’Évêques (Byskupa Sögur), mais également de la Saga des Islandais de Sturla (1214-1284), la Saga des Sturlungar. Elle relate les malheurs des Islandais entre les XIIe et XIIIe siècles. Plusieurs sagas issues de cet ouvrage ont été écrites par Sturla Þórðarson.

 

Sagas des chevaliers

Les « sagas des chevaliers » (Riddarasögur), œuvres du XIVe siècle, sont des adaptations assez libres de chansons de geste françaises ou de romans de la Table ronde. L’élément fantastique ou merveilleux a une place de choix. Le rôle de l’amour n’est pas cependant négligé. On peut ainsi citer une Saga de Charlemagne. L’intérêt principal de certains de ces textes vient du fait qu’ils ont été écrits à partir de textes aujourd’hui disparus ou fragmentaires (par exemple Tristrams saga ok Ísöndar (no)). Beaucoup de traductions ont été faites en Norvège, à l’instigation des rois.

 

Sagas légendaires

Les « sagas légendaires » ou « sagas des temps anciens » (Fornaldarsögur) n’ont pas été écrites à des fins historiques mais font davantage place aux légendes et au merveilleux comme la Völsunga saga qui narre les hauts faits du héros Sigurðr meurtrier du dragon Fáfnir. De plus, on n’y trouve que peu de thèmes purement populaires. Un bon nombre des sagas faisant partie de cette catégorie ont dû être écrites en Islande mais pas seulement, le rôle de la Norvège n’est pas négligeable.

 

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