L’Ile d’Ogoz est une merveille historique qui se visite à pied quelques semaines par année. Située sur le Lac de La Gruyère, elle se transforme en presqu’île à l’arrivée du printemps.
Nous profitons du fait que le niveau du lac de La Gruyère soit bas en ce mois de mars pour aller à pied sur l’île d’Ogoz (ou plutôt sur la presque-île à cette époque !). En fait chaque année, à la fin de l’hiver le lac artificiel est vidé afin de pouvoir recevoir l’eau de la fonte des neiges.
L’île d’Ogoz est accessible lorsque le lac a une hauteur inférieur à 668 m. Aujourd’hui le niveau du lac est à 666 m et (le niveau du lac est consultable sur le site du Groupe-e qui gère le barrage et donc le niveau de l’eau).
Nous grimpons au sommet de l’une des tours pour observer la région. D’en haut on a une belle vision de sur le lac et surtout sur la “langue” rocheuse que nous venons de parcourir pour venir sur “l’île”.
Avant de reprendre la voiture nous suivons un petit bout le chemin qui fait le tour du lac.
Petite balade très agréable, sans aucune difficulté.
Toutes les photos ici.
L’île a été créée en 1948 lors de la mise en eau du lac de la Gruyère. Les travaux visant à construire le barrage de Rossens se sont écoulés de 1945 à 1948. L’île était auparavant un point haut sur lequel ont été construits les châteaux de Pont-en-Ogoz dont la construction pourrait remonter au XIIIe siècle.
Les gués
A Pont, se situait l’un des gués qui permettait de rejoindre les routes romaines courant le long des deux rives de la Sarine. Un poste de vigie y est attesté, probablement à l’emplacement du château médiéval. Le gué fut remplacé par des ponts, au XIIe s. semble-t-il, qui donnèrent son nom à la seigneurie. Un premier pont fut construit sous le lieu-dit Vieux-Châtel, en amont des ruines actuelles. Un second fut établi à l’extrémité de la presqu’île. Situés trop bas sur le cours d’eau, menacés par les crues de la Sarine, ils furent remplacés par un troisième pont, construit 200 m en amont. Mentionné en 1490, quand Fribourg racheta la seigneurie, il était alors en bois. En 1544, il fut reconstruit en pierre. Composé de trois voûtes surbaissées en tuf, le « pont de Tusy » est toujours intact, sous les eaux du lac. Une légende prétend qu’il fut l’œuvre du diable qui l’aurait bâti en une nuit. Comme prix de son travail, il aurait exigé l’âme du premier vivant qui le traverserait. Le gouverneur du bourg y lâcha à l’aube un rat que poursuivit un chat. Furieux d’avoir été ainsi berné, le diable aurait tenté de le détruire en y lançant une grosse pierre, visible près d’une des piles.
La seigneurie
La seigneurie de Pont n’apparaît pas avant le XIIe siècle. Les plus anciennes chartes mentionnant les seigneurs de Pont datent de 1179. Pont-en-Ogoz tomba d’abord sous l’influence des sires de Maggenberg et de la jeune ville de Fribourg fondée en 1157. Puis, elle dépendit, à partir de 1250, de la maison de Savoie, laquelle garda durant deux siècles son emprise sur la seigneurie. La famille, qui s’éteignit à la fin du XVe siècle, donna plusieurs moines à l’abbaye d’Hauterive et quelques chanoines à Lausanne. Suivant la coutume locale, tous ses membres exercèrent en commun leurs droits féodaux. La seigneurie fut ainsi propriété de coseigneurs, ce qui entraîna naturellement son morcellement.
Au XIVe siècle déjà, elle était divisée en de multiples parts. En 1452, par le hasard des successions, la famille de Pont n’y possédait d’ailleurs plus aucun droit. Leur ancienne seigneurie était alors aux mains des familles Mayor de Lutry, de Challant et de Prez. Le 19 novembre 1482, Antoine de Menthon, dont la famille avait réussi à mettre la main sur la plus grande partie du bourg, vendit à Fribourg tous les droits qu’il y possédait. En rachetant année après année les parts restées en d’autres mains, Fribourg fit peu après l’acquisition de toute la seigneurie qui constitua ainsi son premier baillage.
Le château
Si l’existence du château n’est signalée pour la première fois qu’en 1231, sa construction pourrait remonter au début du XIIIe siècle. Malgré les fouilles et les relevés réalisés en 1946/47, il n’est pas possible d’en avoir une idée exacte. La construction des donjons jumeaux ainsi que d’autres bâtiments, interprétés comme une troisième voire une quatrième tour, a peut-être été entreprise à la suite du morcellement du domaine en coseigneuries.
Aujourd’hui, on distingue encore clairement sur chacune des deux tours l’entrée surélevée originelle. Il est en effet habituel que les tours des châteaux ne soient accessibles que par un escalier extérieur en bois. Sur la plus grande tour qui se trouve au sud, on distingue les étages grâce aux traces des balcons et des planchers visibles dans l’appareil du mur.
Une grande partie des pierres de molasse et de tuf de la façade extérieure des deux tours a été enlevée et réutilisée comme matériau de construction en dehors du site. Il ne reste donc que les parties inférieures des bâtiments, lesquelles étaient restées inaccessibles jusqu’à la restauration. On peut y déceler clairement les différentes phases de construction. Il suffit de comparer le mode de construction des murs des deux tours. Ainsi, sur la tour sud, on est frappé par la présence exceptionnelle de cavités en forme de canaux: à cet endroit se trouvaient autrefois des poutres insérées dans les murs comme pour donner plus de solidité aux murs fraîchement édifiés.
La chapelle
La chapelle, propriété de la commune de Pont-en-Ogoz, a été entièrement restaurée entre 1998 et 2002. Les oeuvres d’art (tableaux, statues, chemin de croix) qui s’y trouvent, ont bénéficié d’une restauration complète achevée en 2003. Les travaux furent conduits en étroite collaboration avec le Service archéologique et le Service des bien culturels du canton de Fribourg. Raccordé à l’électricité, le bâtiment est maintenu hors gel durant la période hivernale. La chapelle, toujours dévolue au culte est mise à disposition pour des mariages et des cérémonies religieuses. Un concours d’artiste a permis la confection d’un tabernacle contemporain.
Quelques dates
-9000>-5000 | halte-campement de chasseurs-cueilleurs du Mésolithique |
-5000>-2300 | habitat d’une population agro-pastorale du Néolithique |
-2300>-1200 | trace d’un village du Bronze moyen |
-1200>-800 | village fortifié du Bronze final : un site clé pour la Gruyère à cette époque |
-800>-15 | abandon de l’habitat pour une probable vocation funéraire du site |
300>476 | probable refuge à la fin de la période romaine |
1179 | première mention d’un seigneur de Pont, Wilhelm. Construction d’une première tour en pierre et d’un bourg de château (T3) |
1226 | première mention de la chapelle Saint-Théodule |
1231 | séparation en deux coseigneuries et vente de l’une des deux à Conrad de Maggenberg, mention d’un four banal (le four banal est une possession du seigneur qu’il met à disposition de l’ensemble des habitants moyennant une taxe appelée « le ban ». Initialement, l’ensemble de la seigneurie est dans l’obligation d’utiliser le four banal et ne peut en construire un autre. En contre-partie, le seigneur doit entretenir le four et le chemin pour y accéder). |
1250 | première mention de bourgeois, bourg de château élevé au rang de ville, inféodation à la Savoie des Sires de Pont |
1260>1300 | construction des tours jumelles et des corps de logis attenants (T1+T2) |
1290 | présence d’un moulin |
1338>1352 | épidémie de peste qui réduit la population de deux tiers |
1372 | plus que 22 habitants à Pont, le bourg entame son déclin |
1405 | première mention d’un forgeron |
1483 | acquisition de la seigneurie par Fribourg, abandon du four banal, mais reconstruction de la chapelle |
1488 | transfert du bailli de Pont à Farvagny |
1505 | Fribourg autorise le démantèlement des tours |
1592 | bourg en ruine |
1599>1600 | restauration de la chapelle Saint-Théodule |
1617 | le dernier habitant quitte pont |
1947>1949 | première restauration des tours, sondages archéologiques, mise en eau du lac de la Gruyère, Pont devient une île |