Belgique (juillet – août 2022)

Posté Par Philippe le 10.08.2022 | 0 commentaire


Programme:

28 juillet : Suisse – Reims

29 juillet : Reims – Gand

30 juillet : Gand

31 juillet : Gand – Bruges

1 août : Bruges

2 août : Bruges – Anvers

3 août : Anvers

4 août : Anvers – Bruxelles

5 août : Bruxelles

6 août : Bruxelles – Luxembourg

7 août : Luxembourg – Suisse

28 juillet : Suisse – Reims

Aujourd’hui c’est le départ pour quelques jours en Belgique. Nous nous déplaçons en voiture pour ces vacances en famille.

Pour couper le voyage aller, nous faisons d’abord une petite halte à Dijon pour nous dégourdir les jambes et manger quelque chose. Nous laissons la voiture près de la place de la Libération et partons un petit moment à la découverte du centre de la ville : Palais des Ducs et des États de Bourgogne, Église Notre-Dame et le marché couvert.

Après cet arrêt, nous nous remettons en route pour Reims où nous passerons la nuit.

Une fois les bagages déposés à l’hôtel nous ressortons pour aller voir la cathédrale et le centre ville.

Toutes les photos ici.

DIJON

UN PEU D’HISTOIRE

Le castrum romain fit place à une résidence ducale, au temps des Capétiens. Après l’incendie de 1137, la ville qui va naître, à l’intérieur d’une nouvelle enceinte, ne va guère bouger jusqu’au milieu du XIX• s. Le décès, en 1361, du dernier Capé­tien, alors âgé de 17 ans, laisse le duché bourguignon sans héritier. La ville ainsi que le duché sont alors rattachés à la couronne de France, avant de tomber aux mains des Valois.

La tournée des grands ducs

En 1363, le roi de France Jean II le Bon donne le duché de Bour­gogne à son quatrième fils, Phi­lippe le Hardi. Celui-ci gouver­nera durant 40 ans. On se souvient surtout de lui pour le nouvel hôtel de ville, pour son mariage avec une riche héritière, Marguerite de Flandre, qui est à l’origine de l’« État bourgui­gnon ” et pour la fondation du prestigieux monastère destiné à abriter les tombeaux familiaux : la chartreuse de Champmol. Cela permettra de fixer à Dijon, pendant des décennies, peintres, sculpteurs, verriers et artistes de toutes disciplines. Jean sans Peur, qui succède à Philippe le Hardi en 1404, est plus un manuel qu’un intellectuel. En pleine guerre de Cent Ans, il s’allie aux Anglais. Il a en face de lui son cousin Louis d’Orléans, un Armagnac qu’il finira par faire assassiner, déclenchant des hostilités sans fin, avant d’être lui-même trucidé en 1419 sur le pont de Montereau ! La dépouille fut ramenée à la chartreuse de Champmol. Philippe le Bon, fils unique de Jean sans Peur, fut tout autant amateur de faste et de fêtes que de conflits. En 1430, il crée l’ordre de la Toison d’or, dont il ne reste rien ou si peu en Bourgogne. Les commerçants, les grands bourgeois, les finan­ciers se font construire de magnifiques demeures autour du palais. Les six che­minées des cuisines ducales témoignent du faste du XVe s et de la politique de ce « grand duc d’Occident » qui créa en quelque sorte les premiers repas d’affaires. En 1467, Charles hérite d’un duché prestigieux, à la dimension d’un royaume. Un cadeau empoisonné pour celui qui est devenu le Téméraire. Louis XI ne mettra que 10 années à venir à bout d’un homme belliqueux croyant un peu trop en sa force et ne voyant pas le travail de sape mené par le roi de France. On sait comment le Téméraire finit sous les crocs des loups, sous les murs de Nancy, un matin de janvier 1477. Louis XI unit le duché à la couronne de France, construisant une forteresse pour surveiller la place et mettant fin à un feuilleton passionnant.

Le temps de la colère

L’installation du parlement à Dijon, en 1480, entraîne l’arrivée au cœur de la ville d’une foule de magistrats et de gens d’office, qui vont faire construire à leur tour. L’ordre règne. En dehors, ça va plutôt mal. Mais, en 1572, lors des guerres de Religion, le comte de Charny, lieutenant du roi, ainsi que le président Jeannin, au cours d’une mémo­rable séance du conseil de la Province, surent éviter les massacres de la Saint­-Barthélemy. Vingt ans plus tard, le parlement manque d’être déchiré par les luttes d’influence. Le 5 juin 1595, Henri IV fait son entrée à Dijon après avoir défait la Ligue à la bataille de Fontaine-Française. Encore une fois, le pire a été évité. La première moitié du XVIIe s est marquée par les épidémies de peste et de typhus. La colère des vignerons va provoquer la révolte du ” Lanturlu ” dans la nuit du 27 février 1630. A partir de 1646, sous le gouvernement des princes de Condé, la ville va devenir une vraie capitale provinciale : palais somptueux avec cour d’honneur et place royale, magnifiques hôtels et belles demeures particulières … , et accueille tous les 3 ans les états de Bourgogne. Ainsi naît, à partir de 1720, la future rue de la Liberté, un axe toujours majeur aujourd’hui. La cour d’honneur de l’hôtel de ville veut imiter celle du château de Versailles. En face, la place Royale, semi-circulaire, est bordée d’arcades. Ce n’est qu’en 1747 que tout sera achevé, soit un siècle après la pose de la première pierre. La période révolutionnaire fut ici moins sanglante qu’ailleurs, même si de nombreux monuments durent en souffrir. Certains et non des moindres disparaissent, comme la chartreuse de Champmol.

Dijon, ville mutante

En un siècle, Dijon passe de l’image de petite capitale de province vivant au rythme de l’escargot – son totem – à celui de métropole entendant jouer un rôle capital de par sa position à la croisée des chemins, entre Lyon et Strasbourg, le Bassin parisien et la Suisse, sans oublier le canal de Bourgogne qui passe à l’ouest. Remarquez au passage les panneaux touristiques sur l’autoroute aux abords de la ville, réalisés par des auteurs de B.D. De tous les maires que Dijon connut, quelques-uns marquèrent le XXe s, à leur façon. Les années 1920 virent le sacre d’un ministre sous la IIIe République et initiateur de la Foire gastronomique de Dijon: Gaston Gérard. Dijon va faire rêver au travers de sa moutarde, son pain d’épices, son cassis, ses escargots. Le chanoine Kir, élu triomphalement à 69 ans en 1945, fut certainement le plus populaire des maires de cette ville. Robert Poujade, quant à lui, fut durant 30 ans le digne succes­seur de ces grands hommes qui ont su vivre avec le temps plus qu’avec leur temps. Dijon lui doit sa réputation de ville verte. Son successeur depuis 2001, François Rebsamen, a eu, entre autres priorités, la lourde tâche d’insuffler un peu de vie à cette ville-musée … Homme de gauche particulièrement adroit, il s’est installé dans la voie d’une rénovation à long terme. La ville-musée est devenue une ville-étape incontournable avec Beaune.

DIJON

Le palais des Ducs :

L’église Notre-Dame: Construite au XIIIe s, c’est la doyenne des églises de Dijon et certainement la plus familière à ses habitants. Façade remarquable, avec toute une série de gargouilles surmontées d’une attraction célèbre : qu’il pleuve ou qu’il vente, le Jacquemart tape mécaniquement toutes les heures depuis 1383, tirant avec philosophie sur sa bouffarde, sans rancune envers ceux qui l’ont rapporté (Philippe le Hardi l’avait déclaré prise de guerre), avec son horloge, du beffroi de Courtrai. Depuis, il a été doté d’une femme, Jacqueline, et de deux enfants, Jacquelinet et Jacquelinette, qui sonnent les demi-­heures et les quarts.  L’église a été édifiée au milieu d’un quartier populaire dans un espace plus que restreint, ce qui a contraint ses maîtres d’œuvre à une jolie prouesse technique pour obtenir la légèreté et l’impression d’ampleur que l’on ressent à l’intérieur. À la droite de l’autel se trouve l’une des plus anciennes statues de Vierge de France, vraisemblablement du XIe s. Les Dijonnais ont pour cette Vierge en bois une dévo­tion particulière. André Malraux l’admira tout en lui trouvant une« face d’idiote de village visitée de l’Eternel ” ! Le bras nord du transept conserve cinq vitraux d’ori­gine, vieux de plus de 700 ans !


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29 juillet : Reims – Gand

Avant de prendre la route pour Gand, nous allons visiter la Basilique Saint-Remi. Contrairement à la cathédrale ici il n’y a personne. C’est vraiment agréable …

Le premier arrêt après Reims c’est Lilles. Nous nous arrêtons en fin de matinée pour nous balader un moment dans le centre ville. Nous profitons de cette belle et chaude journée pour pique-niquer sur la Grand-Place et nous balader un petit peu autour de celle-ci.

La première ville que nous visitons en Belgique, c’est Tournai. Réputée pour sa vaste cathédrale Notre-Dame et son beffroi, cette petite ville de wallonie offre quelque chose de reposant.

Nous laissons la voiture sur la Grand-Place (triangulaire) et marchons une petite heure dans le centre.

Vers 16h nous posons nos bagages à Gand. Nous allons y rester deux nuits.

Puis, après une petite pause, nous ressortons faire un tour dans la ville. Nous n’avons pas de but précis, juste une petite découverte de ce qui nous attend demain.

Toutes les photos ici.

LILLES

Au départ, on trouve vers l’an mille quelques bras de la Deûle et les îles qu’elle délimite. Pratique pour faire circuler les marchandises, pêcher et se protéger un peu des agressions extérieures. En outre, une rupture de charge sur la rivière contraint les bateaux à s’arrêter et à débarquer leur cargaison. C’est parti pour s’installer durablement. On ne vous fera donc pas attendre davantage pour connaître le nom de cette bourgade en devenir: L’Isle. Au XIIIe s, quelques remparts, c’est bien pratique. Lille est une ville de foire fla­mande. Son centre se situe exactement à l’emplacement de la cathédrale Notre­-Dame-de-la-Treille. Un autre espace se développe, le forum, lieu de rencontre des marchands : voilà la Grand-Place. Une voie les relie, la Grande-Chaussée, dont le tracé existe toujours. Ville flamande rapidement convoitée. Premier siège de son histoire (il y en aura 12 en tout) en 1213, et pas du fait de n’importe qui : Philippe Auguste, qui ira gagner à Bouvines l’année suivante. Long règne de la comtesse Jeanne de Constantinople qui laisse globalement un bon souvenir (fondation de l’Hospice Comtesse, octroi d’une charte municipale à la ville, aménagement du cours de la Deûle, etc.). Petit intermède avec un nouveau siège et la prise de la ville par Philippe le Bel en 1297. La France contrôle de loin la Flandre.

Des Bourguignons aux Espagnols
En 1369, Marguerite de Flandre, dernière du nom, épouse Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, et lui apporte Lille en dot. Période faste pour la ville, capitale itinérante d’une cour qui rivalise avec le royaume de France. Ses successeurs renforcent et embellissent la ville. Jean sans Peur fait creuser le quai du Wault, Philippe le Bon tient le 1er chapitre de la Toison d’or et construit le palais Rihour. En 1477, mort de Charles le Téméraire. Sa fille, Marie de Bourgogne, épouse Maximilien d’Autriche. Lille passe sous la tutelle des Habsbourg. Vers 1500, la ville compte 20 000 habitants. Par le jeu des alliances et des mariages, la Flandre passe à l’Espagne de 1506 à 1667. Autre période faste pour Lille (notamment de 1598 à 1621, sous les archi­ducs Albert et Isabelle), qui y gagne de prestigieux monuments comme la Vieille Bourse. Pourtant, nul ton espagnol, les constructions conservent le style flamand. En 1560, la ville compte environ 40 000 habitants.

Lille, ville française

À la mort de Philippe IV d’Espagne, Louis XIV (époux de Marie-Thérèse, sa fille) réclame sa part d’héritage, d’autant que la dot de Marie-Thérèse n’a jamais été payée (ah, les histoires de famille!). En 1667, siège de Lille (on ne sait plus à combien on en est) par Louis XIV et reddition en 10 jours. Un an après, par le traité d’Aix-la-Chapelle, la ville devient française. Les habitants sont effondrés: Lille, bien que francophone, restait une ville flamande, l’armée française est une force d’occupation. Adieu commerce prospère, bonjour Lille place forte militaire. Vauban s’attelle à la tâche. En outre, le style architectural français s’impose progressivement. En 167 4, interdiction de restaurer les maisons en bois. Prolongement de la normalisation architecturale par la création de nouveaux quartiers français, comme celui de la rue Royale. Construc­tion de la porte de Paris, à la gloire de Louis XIV, et de nombreuses casernes. En 1708, prise de la ville et occupation hollandaise. Mais, par le traité d’Utrecht en 1714, Lille revient à la France. Pour le coup, après 5 ans d’austérité calviniste et batave, les Lillois sont bien contents. Et puis on finit par se faire au goût architec­tural français. Tout le long du XVIIIe s, Lille se pare de superbes hôtels particuliers. En 1792, à sa façon, le maire François-Etienne André tient tête aux Autrichiens qui l’assiègent et jure que les Lillois resteront fidèles à la nation. La Déesse (au centre de la Grand-Place) commémorera cet engagement héroïque.
Lille au XIXe s … En 1804, Lille succède à Douai comme préfecture du Nord. En 1848, 75 000 habi­tants. En 1858, annexion des communes limitrophes : Moulins, Wazemmes, Esquermes, Fives, etc. Tout au long du XIXe s, on assiste à la montée irrésistible de la bourgeoisie indus­trielle et du textile. Le fossé entre riches et pauvres se creuse dramatiquement. Victor Hugo monte à Lille et découvre avec effarement les conditions d’existence et de logement des familles ouvrières. Effroyable mortalité infantile (250 %0 ). Celle du quartier Saint-Sauveur atteint celle des campagnes 2 siècles auparavant ! Inauguration de la ligne de chemin de fer Paris-Lille (1846). Transfert en 1887 des facultés de droit et de lettres, jusque-là à Douai. Les idées du socialisme progressent rapidement. En 1888, L’Internationale, dont la musique est de Pierre Degeyter, un Lillois, retentit pour la 1ère fois dans un café de la rue de la Vignette (quartier Saint-Sauveur) .

… et jusqu’au IIIe millénaire !

En 1911, le grand rebond démographique, Lille annonce 218 000 habitants. En 1913, création du 1 e évêché de Lille. Début de la Première Guerre mondiale, plus de 5000 obus détruisent le quartier de la gare. Puis c’est l’occupation allemande. Le 11 janvier 1916, une poudrière explose aux Dix-Huit Ponts, soufflant 700 maisons et faisant une centaine de morts. La ville est délivrée par les Anglais le 17 octobre 1918. Entre les 2 guerres, démantèlement des remparts, excepté la citadelle. En 1930, comblement de la Deûle, remplacée par l’avenue du Peuple-Belge. En 1936, Roger Salengro, maire de Lille, devient ministre de l’Intérieur du Front populaire. En 1940, 2de occupation allemande. Lille et tout le Nord-Pas-de-Calais sont cou­pés de la France et placés sous l’autorité directe de l’Oberfeld-Kommandantur depuis Bruxelles. 1 675 immeubles lillois sont détruits par les bombardements alliés. En 1960, construction du périph à l’emplacement de l’ancienne enceinte et, peu après, démolition de la dernière ferme lilloise, faubourg des Postes. Tout un symbole! Mais, heureusement, l’association Renaissance du Lille ancien, créée en 1964, fera beaucoup pour la préservation du patrimoine et de la mémoire. Ouverture de l’autoroute Paris-Lille en 1968. En 1971, élection de Pierre Mauroy à la mairie, sur une liste d’Union de la gauche…

TOURNAI

Avec Tournai, il faudrait même beaucoup d’histoire, car la ville existe depuis fort longtemps.Les Romains s’étaient déjà installés ici, mais ce furent les Francs et les Mérovingiens qui en firent une capitale, la leur. Childéric y meurt en 481et son fils, Clovis, préfère aller voir à Soissons l’état de la vaisselle,laissant le pouvoir à l’évêché de Tournai. Mais la ville restera toujours un symbole pour la Couronne française, et la fleur de lys orne encore son blason.Ravagée par les Normands, Tournai est rattachée à la France par Philippe Auguste. De cette période fastueuse datent le beffroi, la cathédrale et la prospérité de la ville due au commerce de la laine et de la pierre (sans oublier le pèlerinage vers Compostelle, puisque Tournai en constituait une étape). Les Anglais, guidés par Henri  VIII, prennent Tournai, puis c’est au tour de Charles Quint. À  la suite des troubles religieux, Christine de  Lalaing défend héroïquement la cité face aux Espagnols, mais les combats la ruinent. Louis  XIV s’y intéresse, l’occupe, puis laisse les Autrichiens s’en emparer, mais le temps de la splendeur est révolu.Louis XV conduira dans les environs l’inutile et victorieuse bataille de Fontenoy et, passé l’onde de la Révolution française, Tournai sera rattachée au Hainaut belge. Durement touchée parles bombardements allemands de mai 1940, la ville sera courageusement reconstruite selon un certain nombre de plans d’origine.

TOURNAI

La cathédrale Notre-Dame   (site) : Une tornade s’est abattue sur la ville en 1999. Cet événement a mis en évidence le déséquilibre dont souffrait la structure de l’édifice, et particulièrement la tour Brunin. Très vite, des travaux provisoires ont été entrepris pour sauvegarder et étançonner le chœur gothique mais aussi pour renforcer les contreforts et stabiliser la tour. Le chantier de rénovation de l’édifice et la mise en valeur des trésors qu’il recèle s’annoncent longs et difficiles. La cathédrale reste ouverte pendant les travaux, mais, du coup, certaines parties décrites plus bas peuvent être fermées (les échafaudages changent régulièrement de place). Classée au Patrimoine mondial de l’Unesco, cette élégante masse de calcaire, dominée par cinq tours carrées, dont la plus haute (83 m) repose sur les piliers de la croisée du transept, a inspiré plusieurs des autres églises de la ville. La cathédrale Notre-Dame, bâtie entre le XIIIe s (la nef) et le XIVe s (le chœur), marque le passage du roman scaldien au gothique. De sa façade, modifiée au cours des siècles, on retiendra les deux portes passage reliant la cathédrale au palais épiscopal.

 En entrant dans l’église, longue de 130 m, on est frappé d’abord par le gigantisme et l’élégance, puis par la rupture entre la pureté de la nef romane, ses10 travées et son élévation à quatre niveaux, et le chœur gothique,richement décoré de fresques et de vitraux du XIXe s. Un jubé Renaissance de Cornelis Floris de Vriendt sépare les deux parties presque égales de l’église. Dans la nef, chapiteaux sculptés de motifs floraux, humains et animaux, ainsi que l’ajout tardif de la chapelle gothique Saint-Louis, à droite. Dans le transept, impressionnante sculpture du XVIIIe s en bois de Nicolas Le Creux, représentant les anges déchus chassés par saint Michel, une peinture murale du XIIe s évoquant la légende de sainte Marguerite et de précieux vitraux du XVe s. Pas loin, le Purgatoire vu et peint par Rubens. Et puis, près du déambulatoire, où les anges semblent menacer les visiteurs de leur blason, on arrive à la chapelle Saint-Esprit,couverte d’une tapisserie d’Arras de  1402. La Vie de saint Piat et saint Éleuthère s’étale sur  22  m et 14  tableaux. Un mince couloir conduit à la salle du chapitre et à ses lambris du  XVIIIe  s,provenant de l’abbaye Saint-Ghislain.

Le beffroi   : Le plus ancien beffroi de Belgique,bâti à la fin du  XIIe  s., a été plusieurs fois renforcé et joliment restauré depuis. Heureusement, cette tour carrée, terminée par des tourelles, carillonne encore à chaque heure sur différents airs, dont “Les Tournaisiens sont là” (air connu). Classé au Patrimoine mondial de l’Unesco comme 29  autres beffrois de Belgique et de France. La visite vous conduira, par un escalier de 257 marches, à 42,50  m de hauteur.En chemin, on peut voir un spectacle audiovisuel sur le beffroi de Tournai et des panneaux sur l’histoire des beffrois dans le nord de l’Europe, l’ancien tambour à musique et l’ancien mécanisme de l’horloge, qui actionnait le carillon. Ah oui, des latrines aussi, celles qui servaient aux détenus, car le beffroi fut aussi une prison.

La Grand-Place  : ce triangle, au mobilier urbain inspiré par le traditionnel jeu de fer et dont le beffroi marque la pointe, est bordé sur ses trois côtés par la cathédrale, l’ancienne halle aux draps du  XVIIe s. et l’église Saint-Quentin. Partiellement détruites parles bombardements de la dernière guerre, certaines de ses maisons anciennes,dont la halle aux draps, ont été reconstruites à l’identique. Christine de Lalaing, héroïne de la ville, trône au centre de la place.

L’hôtel de ville : Bâtiment néoclassique élevé dans une partie de l’ancienne abbaye bénédictine de Saint-Martin. On peut encore y voir la grande crypte romane, datée du XIe s., et une partie du cloître.

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30 juillet : Gand

Ce matin je sors de bonne heure pour profiter de la ville sans les touristes et de la rivière Lys sans vaguelettes et ainsi admirer le reflets des bâtiments dans la rivière … Après avoir marché presque 2 heures (et avoir fait un petit détour par les ruelles des graffitis), je rentre à l’hôtel.

Nous ressortons presque immédiatement pour visiter en famille la ville. Nous consacrons la matinée à parcourir le centre historique.

L’après-midi, après avoir déguster des frites au ragoût flamand à l’atelier des frites, nous prenons la direction du vieux béguinage Sainte-Élisabeth. Un peu à l’écart du centre nous nous retrouvons presque seuls. Très agréable et très reposant.

En fin d’après-midi nous montons dans le beffroi pour voir la ville d’en haut et retournons ensuite sur les quais.

Lorsque la nuit est tombée, je refais un petit tour pour profiter de l’éclairage nocturne des bâtiments.

Gand est une ville agréable à visiter, pas trop grande et pas trop submergée de touristes.

Toutes les photos ici.

Au confluent de la Lys et de l’Escaut se trouvait autrefois un noyau d’habitations, baptisé Ganda (« confluent » en celte). Un siècle après la conquête de la Gaule, des colonies romaines s’y étaient installées. Au  VIIe s. arriva saint Amand, qui s’établit sur le mont Blandin. Il y érigea une petite chapelle qui n’était pas encore l’abbaye Saint-Pierre et entama sa mission d’évangélisation. Au confluent des deux cours d’eau, le saint homme fonda un deuxième centre religieux, modeste au départ, qui sera à l’origine de l’abbaye Saint-Bavon. Une agglomération se développa tout autour. Au VIIIe s., Charlemagne fit construire un port pour sa flotte, ce qui n’empêcha pas, au IXe s., les Normands de venir passer les moines au fil de l’épée. Par précaution, on s’empressa de construire une forteresse, qui deviendra par la suite le château des Comtes.

Le traité de Verdun

En 843, l’empire de Charlemagne fut divisé par ses héritiers en trois royaumes indépendants. La Flandre fut attribuée à Charles le  Chauve, roi de Francie occidentale.Gand en faisait partie et devint ainsi une ville frontière entre royaume franc et Germanie, l’Escaut faisant office de ligne de démarcation. La prospérité arriva avec l’industrie de transformation de la laine anglaise en drap« flamand ». Plus de la moitié de la population était employée par cette industrie. Vendu dans l’Europe entière, notamment sur les marchés de Champagne, le drap enrichit une oligarchie de patriciens drapiers tenant les rênes du pouvoir, en principe au nom du comte de Flandre, mais souvent en opposition avec lui, et surtout en conflit avec les métiers issus de la paysannerie pauvre, venus gonfler les effectifs de l’industrie textile. Les conditions d’existence de ces foulons et teinturiers étaient particulièrement misérables. Quant à la caste marchande, elle avait tout intérêt à maintenir de bonnes relations avec la source d’approvisionnement de la matière première, la laine d’Angleterre.

Un conflit majeur opposa Gui de Dampierre, comte de Flandre, à son suzerain Philippe le Bel. Le conseil des patriciens (rassemblés sous l’emblème du lys : Leliaerts) prit le parti du roi contre le comte et les métiers (rangés sous la bannière des griffes : Klauwaerts). La bataille des Éperons d’or (1302), où les Français se firent dérouiller, entérina la défaite de leurs partisans à Gand et le prolétariat des métiers obtint de participer à la gestion de la ville. Gand la révoltée avait engrangé une première victoire populaire et ce fait marquera son histoire.

La liberté, le commerce et l’essor économique

Malgré les libertés communales où, pour la première fois en Occident, le peuple a eu son mot à dire dans les affaires de sa cité par le biais de ses élus, elle connaît un déclin du fait même du mauvais fonctionnement de son système « démocratique ».

Au cours de la guerre de Cent Ans, la situation économique se dégrade. Avec 60’000 habitants, Gand est au  XIVe  s. la deuxième ville la plus peuplée d’Europe après Paris. Ses édiles commettent l’erreur de multiplier les mesures protectionnistes vis-à-vis de ses voisins tout proches et de se débarrasser de celui qui la défendait magistralement sur la scène internationale : Jacques Van Artevelde, le flamboyant leader des tisserands.

Partisan du rapprochement avec l’Angleterre au nom des intérêts économiques de la Flandre, il était parvenu à maintenir celle-ci à l’écart du conflit et à obtenir la levée du blocus anglais. En 1345, à la suite de sordides querelles corporatistes, il fut assassiné par ses propres concitoyens, qui se rattraperont par la suite en surnommant Gand « la ville d’Artevelde ». Fils du peuple, il traitait d’égal à égal avec les rois, et le peuple a eu sa peau !

La ville natale de Charles Quint

Le XVe s. marqua la fin des libertés. Les princes s’attelèrent à rogner ce que leurs prédécesseurs avaient concédé. Les ducs de Bourgogne qui avaient hérité de la Flandre réprimèrent les dernières révoltes dans le sang. C’est un Habsbourg, Gantois de naissance, Charles Quint, qui finit d’asservir la ville, lorsque, en 1539, ses habitants se révoltèrent contre une nouvelle levée d’impôts. Charles Quint prit des mesures brutales pour réprimer le soulèvement en exigeant des notables de la ville qu’ils défilent pieds nus avec une corde autour du cou. Ce qui valut aux Gantois le joli surnom de Stroppendragers (les « garrottés »).

La congrégation de Saint-Bavon quitta l’abbaye, son monastère fut rasé et remplacé par une caserne. Seuls quelques édifices de l’ancienne abbaye échappèrent à la démolition. Les Gantois perdirent tous leurs privilèges historiques.

Gand est encore au centre du conflit pendant les guerres de Religion. Lorsque l’absolutisme espagnol imposa la foi catholique, Gand était devenue républicaine et calviniste. On signa dans ses murs le traité de Pacification, qui devait coaliser les catholiques et les réformés des Pays-Bas contre le pouvoir de Philippe  II d’Espagne. Un siège très dur mené par Alexandre Farnèse l’obligea en 1584 à ouvrir ses portes aux troupes espagnoles. Les exactions, l’exil de milliers d’habitants, les famines firent chuter sa population de moitié et la ville entra en léthargie pour deux siècles. Le catholicisme fut rétabli dans les Pays-Bas du Sud après la prise d’Anvers.

Une relation particulière avec la France

Au cours des XVIIe et XVIIIe s., Gand se releva lentement. Elle fut occupée à trois reprises par les Français, mais pour de courtes périodes. Pas question pour Gand de changer d’attitude  : la ville resta hostile à la France, de Louis XIV jusqu’à Napoléon.

En 1713, la Flandre passa aux mains des Habsbourg d’Autriche. La permanence de la fermeture de l’Escaut maintint l’asphyxie malgré la bienveillante parenthèse autrichienne.En 1792, après la victoire des armées révolutionnaires à Jemappes, Gand est annexée à la République française comme le reste de la Belgique. Liévin Bauwens, ingénieur et espion mandaté par Napoléon, importa clandestinement d’Angleterre une machine à filer à vapeur, qui révolutionna l’industrie textile.

Du 20 mars au22 juin 1815, Gand servit de refuge provisoire au roi Louis XVIII et au parti de la Restauration en exil : cet épisode des Cent-Jours est raconté par Chateaubriand dans les Mémoires d’outre-tombe.

Ville d’histoire, d’art et de commerce

La création du royaume de Belgique en  1830 va permettre à Gand de renouer avec la prospérité. L’université, où l’enseignement se faisait alors en français, forma les cadres de la bourgeoisie industrielle et la ville connut un essor intellectuel remarquable avec l’éclosion des talents de ses artistes écrivains(francophones). Au XIXe s. l’industrialisation fit de Gand le bastion du socialisme flamand ; le mouvement Vooruit en fut le fer de lance.

Édouard Ansee le fut le premier député socialiste flamand. En réaction contre une bourgeoisie « libérale » francophone, l’université de Gand devint, en  1930, la première du pays à dispenser l’enseignement uniquement en flamand.

Avec l’élargissement du canal Gand-Terneuzen et la construction du port, Gand se dota d’une ceinture industrielle qui en fit l’une des villes les plus actives du pays. La suite, découvrez-la au STAM, à travers les films et les photos de l’époque, que chacun peut sélectionner selon ses envies.

Le centre historique

Le tour de Gand commence inévitablement par la Sint Baafsplein, au centre de l’espace piéton. Avec le plan, vous comprendrez bien ce que l’on nomme la Cuve, il s’agit de la boucle comprise entre la Lys et l’Escaut, qui correspond aux origines de la ville.

Sint baafskathedraal : Avec le beffroi et sa halle, Saint-Bavon est l’orgueil des Gantois. Si le style dominant est gothique, la construction,échelonnée sur plusieurs siècles, est partie de l’église primitive dédiée à saint Jean-Baptiste, première paroisse de la ville. Charles Quint y fut baptisé et elle prit le nom de Saint-Bavon à la suite de la démolition de l’abbaye du même nom. Philippe II en fit une cathédrale et la confia au premier évêque de Gand. Elle subit des transformations tout au long des siècles  : la crypte est romane, le chœur gothique rayonnant, la tour, la nef et le transept art gothique tardif. La tour de 82 m fut même dotée d’une flèche qui brûla en  1603. Pour se repérer, il suffit de savoir que l’on utilisa tout d’abord la pierre grise de Tournai par facilité, puis la pierre blanche du pays d’Alost, du temps de sa splendeur, et que l’on dut se rabattre sur la brique après le XVIe s., faute d’argent…

Saint-Bavon n’est au fond qu’un vaste et magnifique musée, son statut de cathédrale ayant incité tous les nantis de la ville à y construire l’un une chapelle, l’autre un tombeau, ou à doter l’intérieur de mobilier et de peintures monumentales. Remarquez le dessin des voûtes, plutôt compliqué. Sans entrer dans les détails, on devine immédiatement l’apport du baroque, par un jubé monumental en marbre orné de grisailles. Voir la chaire de vérité,réalisée par Laurent Delvaux, prototype du style rococo, avec le mélange de bois et de marbre (les arbres en marbre !).

Le beffroi est le fier symbole du pouvoir civil, en opposition au pouvoir religieux. Il domine de ses 91  m la halle et le Botermarkt, dégagés à présent du tissu urbain qui les enserrait. Au sommet de l’édifice, un dragon-girouette en cuivre doré.

On monte à pied (ou en ascenseur), en passant par la salle où sont conservés les vestiges des dragons anciens et des statues de chevaliers. La salle du Secret contenait les coffres où étaient conservées jalousement les chartes des libertés. Un ascenseur permet d’accéder à la galerie à ciel ouvert où patrouillait la garde chargée de prévenir les incendies (fléau redoutable pour les maisons, construites essentiellement en bois). La contemplation de la ville est déconseillée à ceux qui souffrent de vertige ! Le beffroi abrite un carillon de 53 cloches (la Rolls des carillons, au dire des spécialistes). On vous conseille d’attendre l’heure ou la demi-heure pour voir fonctionner l’ensemble des mécanismes qui l’actionnent, ainsi que le bourdon de 6 t.Comme tous ses cousins flamands, le beffroi de Gand est classé au Patrimoine mondial de l’Unesco.

Stadhuis (hôtel de ville) : L’hôtel de ville n’est accessible que dans le cadre des visites guidées du centre historique organisées par l’office de tourisme. Du Botermarkt, on remarque facilement, en contre-haut, l’ensemble hétéroclite de l’hôtel de ville. Les Gantois ont commis le péché d’orgueil en entamant sa construction. Ils voulaient bâtir le plus grand hôtel de ville d’Europe. Sa surface actuelle ne représente que 20 % de celle prévue par les plans d’origine, et comme il leur a fallu beaucoup de temps pour en venir à bout (400 ans), ils se sont retrouvés avec une bâtisse hybride  : la mode architecturale avait changé entre-temps. Il fut entamé en  1518, sur le mode gothique fleuri, interrompu au moment des troubles religieux, poursuivi sous l’administration calviniste en style Renaissance, complété par une aile en baroque flamand (la grande conciergerie) et parachevé par une chambre des Pauvres. Les statues de la façade gothique datent du XIXe s. Les factions catholique et protestante y signèrent en 1576 la « Pacification de Gand », qui devait mettre fin au sanglant conflit religieux qui ravageait les Pays-Bas espagnols. Ses effets ne durèrent que quelques mois et le pays se retrouva à nouveau à feu et à sang, pour de longues années encore…

Graslei (quai aux Herbes : ancien port de Gand, on peut voir la haute silhouette de l’ ancienne poste, de style néogothique, en pleine mutation(galerie marchande, avec grande surface en dessous et hôtel très chic au-dessus !).

  • La maison des Bateliers francs (1531) : gothique tardif aux pignons à volutes qui annonce déjà les fantaisies du baroque. Joli bateau de la Baltique en décoration.
  • La maison des Mesureurs de grains (1698) : sur fond de brique, le style Renaissance flamande agrémenté de quelques ornementations baroques.
  • La petite maison du Tonlieu (1682)  : où officiait le receveur des taxes (en nature) au profit de la ville. Café bien placé, avec terrasse en été.
  • L’imposante maison de l’étape du blé (Het Spijker,  1200)  : construction romane, une des plus anciennes que l’on connaisse en Europe. Maison fonctionnelle, destinée à l’entreposage du grain, hissé à l’intérieur par des échelles.
  • La première maison des Mesureurs de grains (1435)  : de style Renaissance flamande.
  • La maison des Maçons(1527) : haute et élégante façade gothique aux pignons surmontés de pinacles. Juste à côté, presque cachée, la plus petite maison de la ville.

Korenlei (quai au Blé) : présente un visage plus récent, avec des constructions baroques et classiques, dont la mignonne maison des Bateliers non francs, peinte en ocre et blanc et surmontée d’une girouette en forme de caravelle. À remarquer la fontaine à trois étages permettant d’abreuver les chevaux, les humains et les oiseaux.

Gravensteen (château des Comtes) : Superbe exemple d’une forteresse médiévale, inspirée du krak des Chevaliers en Syrie. Mais ne rêvons pas, il fut fortement remis en état par la ville de Gand au début du XXe s. (on distingue la partie restaurée, du reste, à la différence de coloration de la pierre). Au  XIXe s., le château était occupé par une filature, dans des conditions de travail que l’on devine. Des masures d’ouvriers étaient bâties dans la cour !

C’est Philippe d’Alsace, en 1180, qui l’éleva en remplacement d’un premier château. Il fut pendant 300 ans la résidence des comtes de Flandre qui utilisèrent ses formidables défenses à des fins essentiellement internes car les Gantois étaient souvent en révolte contre leur seigneur. En  1353, lassés de grelotter dans leur peu confortable donjon, les comtes s’établirent en périphérie, au Prinsenhof, aujourd’hui disparu. C’est dans ce dernier que naquit Charles Quint. Le château servit de prison et de lieu où l’on battait monnaie.

Oud begijnhof (vieux béguinage Sainte-Élisabeth) : Au XVe s, il n’était constitué que de huttes de paille. Un grand travail de restauration des maisons de brique a eu lieu. On peut y voir l’église baroque et, à droite, un monument à la gloire de Georges Rodenbach (dû au ciseau de Georges Minne), qui n’était pas un brasseur, comme le reste de sa famille (il existe une bière de ce nom), mais un poète symboliste, condisciple de Maeterlinck, qui fut attiré par ces lieux de rêverie et de mélancolie nostalgique.

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31 juillet : Gand – Bruges

Aujourd’hui nous quittons pour rejoindre Bruges, mais pas directement. Nous faisons un détour par Courtrai et Ypres.

Aujourd’hui le temps est un petit peu couvert quand nous arrivons à Courtrai. Le but de cet arrêt est de voir le béguinage (lieu où vivait des femmes (béguines), le plus souvent célibataires ou veuves, appartenant à une communauté religieuse laïque sous une règle monastique, mais sans former de vœux perpétuels). Les logements étaient généralement regroupés en une ou deux rangées de petites maisons reliées par des coursives, le tout habituellement réuni autour d’une cour, où se trouvait un jardin, et d’une chapelle). L’atmosphère est très reposante. Quand on entre dans ce petit quartier à l’intérieur de la ville, on a l’impression de remonter le temps et de se sentir loin de la vie trépidante de la ville.

Après Courtrai, nous nous rendons à Ypres, ville presque entièrement reconstruite après les ravages des deux guerres mondiales. De nouveau ici nous faisons un petit tour dans la ville, sans plan précis.. De toute façon ce n’est pas très grand …

Vers 16h nous arrivons à Bruges. Nous avons louer un appartement près du centre historique.

Comme chaque fois nous ressortons faire un petit tour “découverte” de la ville.

En arrivant en voiture nous avons passé devant une friterie (Frituur de Gentpoorte). En passant à pieds devant nous voyons qu’elle est fermée les trois prochains jours. Nous mangerons donc des frites ce soir !

Ce repas “gastronomique” fut une merveille. Les meilleures frites du séjour !!

Toutes les photos ici.

COURTRAI

Un château fort, dont on a conservé les tours « Broel », voit le jour au  XIIe s. Dans la plaine de Groeninge, les chevaliers de Philippe le  Bel sont mis en pièces le 11  juillet  1302. Cette grande déroute, appelée la bataille des Éperons d’or, inspira au fil des siècles de nombreux chansonniers et romanciers,et ce de part et d’autre de la frontière. Les Français rendront la monnaie des éperons en 1382, en n’omettant pas de mettre le feu à la ville.

Sinon, dès le XVe s., Courtrai est connue dans le monde occidental pour sa spécialité du damassé. De nos jours, les tissus d’ameublement, les tapis et la décoration perpétuent cette tradition.

YPRES

Ypres, au Moyen Âge,est l’une des trois grandes villes de la Flandre avec Bruges et Gand. Sa population compte au XIIIe s. jusqu’à 40 000 habitants (plus qu’aujourd’hui), occupés essentiellement à la production du drap qui se vendait dans l’Europe entière. Encore une fois, le déclin vient de troubles sociaux,suivis d’une épidémie de peste et de conflits sanglants avec la France. On voit la récession se prolonger au cours des siècles suivants avec la prise dévastatrice par le duc de  Parme en  1584, qui fait massacrer sa population. Objet de sièges successifs de la part des Français au XVIIe s., la ville leur échoit au traité de Nimègue en 1678. Aussitôt Vauban s’empresse d’en faire une place forte modèle. L’Autriche en 1716, puis la France à nouveau en  1792, la Hollande en  1815… Ypres partage en ces siècles troublés le destin commun de toutes ces villes frontalières, victimes du grand jeu de ping-pong de la politique européenne.Malgré tous les aléas de l’histoire, Ypres avait réussi à conserver à peu près intacts ses monuments architecturaux. C’était sans compter les canons Krupp de l’armée du Kaiser. Il fallut près de 50  ans (1919-1967) pour reconstruire Ypres. Les travaux furent financés en grande partie par les dommages de guerre allemands et, le moins que l’on puisse dire, c’est que le résultat est remarquable. La halle est une parfaite illusion de gothique authentique ! La ville se souvient chaque jour de cette tragédie en perpétuant la cérémonie de la sonnerie aux morts de la Première Guerre mondiale.

1914-1918 : l’Apocalypse à YpresEn octobre 1914, alors que l’inondation des polders bloque l’avance allemande un peu plus au nord, les Anglais supportent autour d’Ypres le poids d’une offensive de grande envergure. Ils se maintiennent avec les Canadiens et les Français, mais Ypres et ses monuments servent de cible aux grosses pièces prussiennes. Huit siècles d’architecture sont réduits à un tas de ruines fumantes. Pendant quatre ans,cette partie du front occidental (le saillant d’Ypres) va connaître des combats d’une violence inégalée dans l’Histoire. Les conditions effroyables (boue,pluie) et les moyens employés (pilonnage incessant, gaz de combat) vont décimer toute une génération de jeunes des deux camps. Défendu par les troupes venues des quatre coins de l’Empire britannique, le champ de bataille de la Flandre va coûter la vie à près de 450’000 d’entre eux ! Des dizaines de milliers n’eurent même pas de sépulture officielle. Les pertes allemandes furent encore plus épouvantables.

COURTRAI

L’hôtel de ville  : sur le Markt. Date des XVe, XVIe et XVIIe s. Il possède, dans sa belle salle des échevins, une remarquable cheminée gothique, mélange de bois, de pierre et d’albâtre. Sur la façade de style Renaissance (restaurée aux XIXe  et XXe s.), les figures sculptées des comtes de Flandre.

Le beffroi  : solitaire au milieu du Markt, c’est un vestige de l’ancienne halle aux draps du XIIIe s. Il est coiffé de cinq tourelles et d’un Mercure, symbole du dynamisme des habitants et du commerce.Les deux jacquemarts, Manten et Kalle, sont quant à eux de création récente et sonnent les heures.

Onze Lieve-Vrouwekerk (église Notre-Dame)  : Bâtie au XIIe s, elle eut le grand privilège de servir de salle d’expo pour les fameux éperons français. Comme ils furent récupérés, ceux qui restèrent n’étaient que des copies. Un chef-d’œuvre : la statue de sainte Catherine, du XIVe s. À voir aussi, les fresques murales de la chapelle comtale et les portraits des comtes de Flandre,ainsi qu’une Élévation de la Croix d’Antoon Van Dyck.

Le béguinage : C’est l’un des plus attachants du pays, classé comme tous les autres par l’Unesco. Une quarantaine de maisonnettes d’une blancheur éclatante s’ordonne autour d’une charmante place d’où partent quelques ruelles pavées. En dehors de la chapelle Saint-Matthieu dotée d’un des plus vieux orgues des Flandres (1678) et d’un tout nouveau musée interactif, on savoure ce village miniature de l’extérieur. Pour l’anecdote,les maisons appartiennent désormais à des particuliers qui doivent obligatoirement être âgés de plus de 50 ans.

YPRES

L’immense Grand-Place, avec la gigantesque halle aux draps de style gothique (125 m de long), donne une idée du volume du commerce qui pouvait se traiter ici avant le XIIIe s. La halle, comme presque toute la ville, fut entièrement dévastée par les bombardements et reconstruite à l’identique (une prouesse !). Quant au massif beffroi carré (classé, comme les autres beffrois de Belgique, au Patrimoine mondial de l’Unesco). De nos jours, même si l’ensemble est harmonieux, leur taille frise la démesure : la halle aux draps pourrait, à vue de nez,contenir toute la population de la ville !

La cathédrale Saint-Martin  : elle a également bénéficié de la reconstruction, en héritant d’une nouvelle flèche, absente avant 1914 et culminant à 102 m. L’intérieur est assez grandiose. Le tombeau du fondateur de la doctrine janséniste, l’évêque Jansénius, s’y trouve en compagnie de Robert de Béthune, comte de Flandre, dans la chapelle du Saint-Sacrement. Une stèle rappelle l’aide apportée par les Flamands aux partisans de William Wallace à la bataille de Bannockburn, où les Écossais flanquèrent la raclée aux Anglais en 1314 !Une autre rend hommage aux enfants de France tombés sur le sol belge pendant la Grande Guerre.

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1 août : Bruges

Une longue balade matinale pour se mettre en jambes et pour profiter de la belle lumière du matin. C’est vraiment un plaisir de pouvoir se balader dans les rues vides et de profiter de de la ville comme si elle n’était qu’à moi …

Vers 9h30 nous ressortons tous pour aller visiter la ville. Il y a déjà pas mal de monde ! De nombreux groupes sillonnent les rues … Après un passage sur la Grand-Place, nous prenons la direction du béguinage. Étonnamment ici il n’y a presque personne. Nous pouvons donc profiter pleinement de l’atmosphère paisible du lieu.

Nous continuons notre visite matinale par les incontournables du centre ville mais aussi par la visite de la brasserie De Halve Maan.

Dans l’après-midi nous sortons du centre historique et allons nous promener dans l’ancien quartier hanséatique, au nord de la place centrale. En revenant à l’appartement nous montons dans le beffroi.

Encore une belle journée en Belgique. Mais une journée très chargée tout de même. Nous profiterons de la matinée de demain pour aller encore voir deux ou trois choses. Pour pouvoir profiter pleinement de Bruges il faut plus que le jour et demi que nous avons prévu.

Toutes les photos ici.

L’existence de Bruges liée aux sables : il y a 1 000 ans, la côte de la mer d Nord ne présentait pas la même configuration qu’aujourd’hui. À  cette époque, des marées d’équinoxe rompaient régulièrement la frêle barrière des dunes et la mer envahissait les basses terres, y laissant plus tard des bandes sablonneuses et des chenaux naturels. Sur ces terres pauvres vivaient tant bien que mal des peuplades à peine christianisées, descendantes des tribus de Morins et de Ménapiens que César n’avait même pas pris la peine de soumettre.

Sur l’une de ces jetées naturelles (brygghia), un peu moins précaire que les autres, s’installèrent des paysans libres qui entreprirent de fortifier le lieu pour se garder des raids des Normands. Un certain Baudouin Bras-de-Fer, comte, mais surtout soudard notoire, obtint en dot ces terres incultes du roi Charles le Chauve dont il avait kidnappé la fille. Cette « Flandre » vint s’ajouter à ses possessions de l’Artois et du Cambrésis. Voilà comment la Flandre et la France ont lié leur destin.

Le miracle de la mer

Le site fut fortifié et des échanges commerciaux se développèrent avec les ports du Nord. Une enceinte fut construite et, en 1134, les éléments se déchaînèrent : la mer ouvrit largement le chenal qui mène à elle. L’estuaire du Zwin se forma et assura à Bruges trois siècles de prospérité, à condition de maintenir un drainage permanent pour éviter l’ensablement. Lorsqu’en  1150 Philippe d’Alsace, comte de Flandre, accorda des privilèges à la cité, Bruges se trouvait à la tête du commerce avec l’Angleterre et les villes de la Baltique. Elle était administrée par des marchands prospères qui organisaient leur propre justice.

En  1180, Damme fut fondée pour servir d’avant-port d’où les marchandises étaient transbordées dans des embarcations plus petites avant d’arriver à Bruges. La situation géographique, entre Angleterre, foires de Champagne et Lombardie, entre sud-ouest de la France et Baltique, entre bassin du Rhin et Bretagne, fit de Bruges le plus grand centre de transit du Moyen Âge. Les comtes de Flandre touchaient les dividendes de ce florissant commerce en s’efforçant en retour d’en préserver la sécurité.

Le libre-échange et le capitalisme virent le jour dans cette cité avec la fondation du premier marché des changes. L’établissement libre de « comptoirs commerciaux » de toutes les nations vit affluer des marchands des quatre coins de l’Europe. L’import-export était leur apanage, les Brugeois se réservant la vente de détail et la transformation du drap anglais, avec l’embauche d’une main-d’œuvre paysanne bon marché et sévèrement contrôlée.

Au XIVe s., les Flamands affrontent la France

À  l’avènement du XIVe  s, des difficultés surgirent  : par le jeu des successions comtales, le roi de France Philippe le Bel fit main basse sur la Flandre et favorisa le parti des notables (les Leliaerts, à l’emblème de la fleur de lys). Ceux qui exerçaient des petits métiers se révoltèrent, à la fois contre leur condition d’exploités et contre le pouvoir en place inféodé aux Français. Le parti des Klauwaerts (les griffes du lion héraldique des Flandres), le matin du 18 mai 1302, prit les armes et passa au fil de l’épée un bon millier de Français et leurs partisans, ce qui provoqua l’ire légitime de Philippe le  Bel, qui s’empressa d’envoyer la fine fleur de sa chevalerie pour aller rogner les griffes au lion flamand. Cet épisode est passé dans l’histoire sous le nom de « Matines brugeoises » qui seront suivies deux mois plus tard par l’épisode resté célèbre de la bataille des Éperons d’or.

L’âge d’or du commerce et des arts

En 1369, le mariage de l’héritière du comté de Flandre, Marguerite de  Maele, avec Philippe le  Hardi, duc de  Bourgogne, marqua l’amorce de l’âge d’or de Bruges mais aussi le début de son déclin. Le Zwin commençait à s’ensabler et il restera encore à la ville un siècle de fastes à vivre, mais quel siècle ! Sur le plan artistique, Bruges rivalise avec Florence. Ses peintres Memling, Van  Eyck, Van der  Goes et Gérard David réalisent les chefs-d’œuvre de l’école flamande du XVe s.

Des navires vénitiens,catalans, russes, génois, biscayens, bretons, hanséatiques et portugais livrent tous les jours des marchandises. On en compte jusqu’à 150 à la fois dans le bassin du Minnewater. Ils déchargent du vin, des tapis, des oranges, des fourrures, de l’huile, du cuir, de la soie, des métaux, des épices, de la laine, des animaux exotiques et même de l’ivoire et des diamants.

1429 : une ville courtisée par toute l’Europe

En 1429, Philippe le Bon installa sa cour au Prinsenhof et, lors de son mariage avec Isabelle du Portugal, donna des fêtes somptueuses. Bruges fut tapissée de draperies vermeilles. Quelque 800 marchands en tenue d’apparat accueillirent la fiancée. Le repas de noce se déroula dans un faste inouï : vaisselle d’or, draperies de brocart tissé d’or et banquet monumental. On continua le lendemain avec joutes et réceptions dans un décorum tel que les échotiers de l’époque en parlent comme d’un événement inégalé en Occident. Pour couronner le tout, Philippe le  Bon en profita pour s’introniser, ainsi que 23 seigneurs de sa suite, dans un nouvel ordre de chevalerie qui suscitera toutes les jalousies, notamment côté anglais : l’ordre de la Toison d’or.

Bruges, la Bourgogne et les Habsbourg

En  1468, on remit le couvert pour le mariage de Charles le Téméraire et de Marguerite d’York. Mais le nouveau (et dernier, d’ailleurs) duc de Bourgogne était moins apprécié : il leva de lourds impôts pour financer ses campagnes militaires. En tombant, en  1477, au siège de Nancy, il laissait à sa fille Marie l’héritage bourguignon qui fut transmis illico aux Habsbourg par le mariage de celle-ci avec Maximilien d’Autriche.

Marie mourut au cours d’un accident de chasse et Maximilien se rendit impopulaire au point de se faire séquestrer par les Brugeois. Son principal conseiller, Pieter Lanchals,fut décapité devant ses yeux et l’archiduc, en proie à une frayeur légitime,concéda tout et n’importe quoi aux Brugeois pour recouvrer sa liberté, mais obtint de ceux-ci (selon la légende) d’entretenir à tout jamais des cygnes en souvenir du supplicié (« lanchals » signifie long cou en flamand). Promesse tenue.

XVIe s. : le déclin

En 1500, la ville totalisait de 45 000 à 50 000 habitants. C’était la cité la plus riche d’Europe du Nord mais le Zwin, la voie économique vitale,s’ensablait inexorablement et les Brugeois dépendirent de plus en plus de leurs avant-ports, Damme et Sluis. Ils multiplièrent les mesures protectionnistes et les contrôles vexatoires. Leur drap n’était plus compétitif, les manufactures anglaises avaient appris à le tisser et n’avaient plus besoin de la Flandre pour écouler la laine. Quant à Maximilien d’Autriche, rancunier, il favorisa l’installation des marchands à Anvers, la place commerciale montante. Anvers, port sur l’Escaut, devint la rivale de Bruges et finit par la supplanter. Au début du XVIe s, les étrangers avaient quitté Bruges et plus de 5 000  maisons étaient vides. En 1520, deux galères vénitiennes jetèrent l’ancre à Sluis. La République sérénissime, elle aussi en déclin, vint pour la dernière fois saluer sa consœur du Nord. Les guerres de Religion entre protestants et catholiques accélérèrent ce déclin, beaucoup de Brugeois nantis et adeptes de la Réforme choisissant l’exil vers la Hollande, plutôt que les persécutions de l’Inquisition.

Du XVIIe au XXe s. : trois siècles de sommeil

Au cours de ces trois siècles, Bruges vivota dans l’espoir cent fois remis au lendemain d’un canal qui la relierait à la mer. Hélas, les flux commerciaux empruntaient à présent d’autres routes. Avec la liaison Gand-Bruges, la ville se maintint au rang de port régional. Elle entretint une industrie locale de dentelle qui parvenait à peine à nourrir une partie de la population. Le petit peuple vivait de charité.Les propriétaires rentiers organisèrent le système d’assistance des maisons-Dieu et des hospices.

À  l’intérieur même de l’enceinte des remparts, on trouvait des champs cultivés ! L’indépendance belge de 1830 en fit un chef-lieu de province et, en 1848, une famine poussa les habitants à l’émeute. On ressortit des cartons un projet de canal vers la mer qui, grâce aux efforts de Léopold  II, vit le jour en  1907, entre Blankenberghe et Heist, mais fut détruit par la guerre de 1914-1918.

Le réveil de la Belle Endormie

Curieusement, Bruges dut son renouveau à son passé oublié. Dans la seconde moitié du XIXe s, des écrivains et artistes anglais romantiques , en visite sur le continent, se prirent de passion pour cette ville qui répondait par son décor à leur engouement pour le Moyen Âge. Ils furent rejoints par d’autres Britanniques qui choisirent de s’établir à Bruges pour des raisons bien plus terre à terre : des officiers britanniques de l’armée des Indes à la retraite, qui ne pouvaient, avec leur modeste pension, mener le même train de vie qu’au Bengale ou au Pendjab.

Ils achetèrent à Bruges, à quelques encablures de leurs blanches falaises, de superbes maisons pour une bouchée de pain et trouvèrent un personnel de maison prêt à travailler pour de modiques gages. Tout ce beau monde formait une petite colonie, qui recevait des visites de parents et amis et, bientôt, un collège de petits Anglais en casquette et uniforme vit le jour. Bruges sortit lentement de sa torpeur, se mit à restaurer son patrimoine monumental et assainir ses canaux. On construisit de nouveaux bâtiments, à l’imitation du Moyen Âge. Des hôtels s’ouvrirent, des restaurants fleurirent, la ville était devenue la destination idéale pour tout couple en voie de formation durable…

Depuis  1949, en reconnaissance de son passé de cité internationale, Bruges a, par ailleurs, le privilège d’avoir été choisie pour former, dans le Collège de l’Europe, les futures élites de la Communauté européenne.

La série policière créée en  1995 par Pieter Aspe, autour du commissaire Van In, un flic au mauvais caractère, buveur et amateur de femmes, a montré l’envers du décor brugeois à tous ceux qui ne vivent pas que d’amour et d’eau fraîche, ainsi qu’un polar loufoque tourné à Bruges pendant l’hiver  2007 par Martin McDonagh  : Bons Baisers de Bruges. Autre précision bonne à savoir quand on participe à un quiz à la belge : le joueur de basket Tony Parker est bien né à Bruges, ce qui n’est nullement le cas du chocolatier Jeff, d’origine française, lui !

Cœur historique

Le Burg : toute balade à Bruges commence ici, sur le site du castrum originel, l’endroit fortifié bâti par Baudouin Bras-de-Fer, vers  879. Ce fut le lieu où s’exerçait le pouvoir. La diversité architecturale y est étonnante. Le quadrilatère du Burg (marché le mercredi matin si la grande place est occupée) est incomplet : il s’ouvre au nord sur une place plantée de tilleuls. C’est à cet endroit que s’élevait, jusqu’en  1799, l’église Saint-Donatien, rasée par la Révolution française. Le pavement de la place restitue le tracé des murs.

Stadhuis (hôtel de ville)  : Joyau du gothique (achevé en 1421), c’est le premier d’une lignée de bâtiments communaux de prestige construits en Flandre et en Brabant. Son érection marque le passage du pouvoir du comte de Flandre vers les édiles de la cité. À l’inverse de la brique, le choix de la pierre (rare en ces régions) dénote une volonté de prestige. L’élan vertical du gothique est renforcé par les 48  statues des comtes et comtesses de Flandre. Elles sont de facture assez récente. Les originaux (peints par JanVan Eyck) étaient comme par hasard « tombés » de leur niche lors de la visite des sans-culottes.

À noter,les 24  blasons des villes qui formaient le « Franc » de Bruges. On y voit celui de Dunkerque, vassale de Bruges.

Dans le hall, avant de prendre l’escalier à gauche menant à la salle gothique, jetez un coup d’œil sur le vestibule où, à gauche, se trouve une toile monumentale avec Napoléon Ier et le bourgmestre de Bruges de l’époque. Celui-ci,voulant immortaliser la visite de l’Empereur qui lui avait remis la Légion d’honneur, commanda cette toile. Entre-temps, le vent de l’histoire avait tourné et ce portrait était devenu compromettant pour lui. En vous déplaçant légèrement pour faire jouer les reflets, vous remarquerez autour de la tête du brave homme une découpe masquée par une restauration ultérieure. Il avait préféré se faire « décapiter » pour éviter les critiques de ses rivaux politiques. D’autres toiles monumentales du XIXe s.

La salle gothique de l’hôtel de ville constitue une entrée en matière amusante de l’histoire de Bruges, et de la Flandre en général. Vous trouvez sur les murs un aperçu haut en couleur des événements importants qui jalonnèrent la période médiévale pendant laquelle Bruges connut son apogée. La voûte de la salle est composée d’une magnifique armature de chêne ornée de médaillons et de clefs de voûte sculptées.

Dans la salle annexe, de très intéressantes cartes anciennes permettent de voir le développement de la ville et les bâtiments disparus (remparts, Saint-Donatien).

Markt : le marché s’y tient depuis l’an  958 ! C’est dire le C’est dire le nombre de choses que ces pierres auraient à raconter si elles le pouvaient : fêtes somptueuses,révoltes, tournois, exécutions capitales, mariages, bûchers, défilés de troupes. La diversité architecturale couvre six siècles. Deux maisons se distinguent de part et d’autre de l’entrée de la Sint Amandstraat : à gauche,celle à la haute façade gothique avec la girouette et l’anémoscope (du XXe s), à droite celle du café Craenenburg (du  XIVe s) avec sa façade habilement reconstituée. Petites maisons aux pignons à redans du côté nord (du  XVIIe s). L’une d’entre elles a un joli panier d’or au sommet. La façade du palais provincial, malgré sa grande allure, n’a pas plus de100 ans, elle non plus. C’est du néogothique pas très catholique, mais le résultat est réussi. Le monument le plus étonnant est, bien sûr, le fier beffroi avec la halle à ses pieds. Le beffroi écrase véritablement la halle de sa hauteur démesurée. Cet empilement d’éléments a quelque chose de curieux. On s’attend à voir, du sommet, surgir encore un cylindre supplémentaire comme issu d’une structure télescopique.

Belfort (beffroi) : Les sportifs s’empresseront de grimper les 366 marches qui mènent à la terrasse supérieure. Pour vous permettre de souffler, des étapes sont prévues. Après 55 marches : la chambre du trésor, où étaient conservées les précieuses chartes. Protégées derrière des grilles de fer forgé, elles étaient enfermées dans des coffres à serrure multiple : le bourgmestre et les huit échevins avaient chacun une clé et il fallait absolument la présence des neuf au complet pour en actionner l’ouverture. À  la 112e marche, petit arrêt pour regarder le panorama. Après 220  marches, vue sur la cloche de  6  t. Elle s’appelle « Victoire ». Début de l’escalier de bois, jusqu’à la marche 333, où est placé le mécanisme qui actionne le carillon de 47 cloches. Après 352 marches, la pièce où le carillonneur donne l’aubade trois fois par semaine le soir en été. Encore quelques marches et vous recueillez le fruit de vos efforts pour profiter de la vue sur la ville. Sur le pourtour de la balustrade, table d’orientation.

Les halles : elles datent du XIIIe s et servaient de marché couvert. La fonction d’entrepôt était assurée par une autre halle,aujourd’hui disparue. La Waterhalle (à  l’emplacement du palais provincial actuel) était construite à cheval sur la Reie et ses quais permettaient un transbordement immédiat des bateaux à fond plat qui venaient des avant-ports. Toute une atmosphère que l’Historium restitue merveilleusement bien.

Basiliek van het Heilig Bloed (basilique du Saint-Sang) : Curieuse construction que cette « basilique » dédiée aussi à saint Basile, un saint byzantin dont quatre vertèbres ont été rapportées au retour d’une croisade. Il s’agit en fait de l’imbrication d’une église inférieure, romane, et d’une seconde, gothique, par-dessus, le tout relié par un escalier extérieur Renaissance, à l’angle de l’hôtel de ville.

  • La chapelle inférieure a gardé un style roman des plus pur : gros murs de moellons, quatre colonnes rondes massives, un chœur étriqué et peu d’ouvertures sur la lumière. À droite, une madone de bois polychrome, comme toute la statuaire du Moyen Âge (1300). Une statue en bois du Christ et un tympan de porte représentant le baptême de saint Basile complètent l’inventaire du trésor roman.
  • La chapelle haute, d’origine romane, fut comme souvent modifiée au XVe s ; elle fut démolie par les Français à la Révolution et reconstruite au XIXe s. en style néogothique. À droite, sur un autel rococo, l’ampoule du Saint-Sang qui contiendrait quelques gouttes du sang du Christ. Cette ampoule est exposée sur un reposoir tous les jours (normalement) à 11h30 après la messe et de 14h à 16h. Voici une relique vénérée des Brugeois depuis le  XIIe s. La légende raconte que lors de la deuxième croisade, en  1146, Thierry d’Alsace reçut des mains du patriarche de Jérusalem quelques gouttes du sang du Christ. L’histoire ressemble à celle du calice du Graal, recherché par les chevaliers de la Table ronde. La précieuse relique fut préservée dans une fiole de cristal, rapportée en grande pompe à Bruges et exposée à la vénération des fidèles. La tradition rapporte qu’il se liquéfiait tous les vendredis, ce qui multiplia le nombre de pèlerins. Chaque année, le jeudi de l’Ascension, la procession du Saint-Sang rassemble des centaines de pèlerins et draine des dizaines de milliers des spectateurs sur son parcours.

Brugse Vrije (ancien palais du « Franc ») : L’ensemble architectural classique actuel remplace le palais du « Franc » qui abritait autrefois l’administration des communes de la campagne brugeoise. Il servit de palais de justice, de 1795 à 1984. De l’ancien édifice de 1525,il ne subsiste à l’extérieur que la façade sud (que l’on voit du Steenhouwerdijk) et aussi la salle des échevins où se trouve le musée. Vous y verrez, dans la salle Renaissance, la formidable cheminée monumentale de Charles Quint, réalisée en 1531 par Blondeel à la demande de la ville, qui voulait ainsi fêter la victoire de l’empereur sur François Ier à Pavie. Faite de marbre noir pour l’âtre, d’albâtre pour la frise et de chêne pour la composition qui la surmonte, elle comporte des poignées de cuivre accrochées à la hotte, pour permettre aux seigneurs de se tenir en équilibre lorsqu’ils séchaient leurs bottes à la chaleur du feu. Parmi les personnages entourant Charles Quint, on reconnaîtra Maximilien d’Autriche, Marie de  Bourgogne,Ferdinand d’Aragon et Isabelle de  Castille. Les figures masculines semblent bien pourvues par la nature.

Entre le greffe du palais et l’hôtel de ville, on emprunte, sous la mignonne arcade, une rue au nom bizarre, la Blinde Ezelstraat (rue de l’Âne-Aveugle). En pente légère, elle débouche sur la Reie, qui permettait aux bateaux d’aller jusqu’au Markt. Vous remarquerez le peu de profondeur de l’eau, à peine 2  m au centre. Lorsque les progrès de la construction navale firent apparaître les bateaux à quille, le tirant d’eau de la Reie se révéla insuffisant et Damme devint un relais obligé pour le transbordement des marchandises. Il prit alors de plus en plus d’importance.

Onze-Lieve-Vrouwekerk (église Notre-Dame) : Construite en gothique scaldien au XIIIe s., elle présente une caractéristique immédiatement visible, sa vertigineuse tour de 115 m, qui en fait la plus haute construction de brique d’Europe. La brique permet de monter très haut mais présente un défaut : on ne peut la sculpter. D’où l’allure un peu sévère de tous ces édifices. Dès l’entrée, l’attention est attirée à droite par la chapelle de la Vierge où se trouve, dans une niche noire, une Vierge à l’Enfant de Michel-Ange, œuvre de jeunesse en marbre blanc (de Carrare) du sculpteur italien. Réalisée en  1504, elle était destinée à la famille des Piccolomini de Sienne mais ne put être payée. Michel-Ange fut tout heureux de la vendre à un marchand brugeois, qui la légua à l’église. C’est une des rares œuvres de Michel-Ange à avoir quitté l’Italie du vivant de l’artiste. Cette « Madone de Bruges » a été volée deux fois, parles révolutionnaires français, en  1794, et par des soldats allemands, en  1944 (épisode évoqué dans le film Monuments Men, de 2014).

On y vient surtout, n’en déplaise aux admirateurs de Michel-Ange, pour les deux mausolées funéraires de Marie de  Bourgogne et de son père, Charles le Téméraire.

La triste histoire de Marie de Bourgogne

Lorsque Charles le Téméraire, dernier duc de Bourgogne, mourut au siège de Nancy en 1477, il laissa ses possessions à sa fille unique, Marie de Bourgogne. Celle-ci épousa l’archiduc Maximilien d’Autriche. Elle devint l’enfant chérie des Brugeois : la beauté, la jeunesse, deux enfants, etc. Le malheur survint en 1482 lorsque, à l’âge de 25 ans, au cours d’une partie de chasse, elle fit une lourde chute. On la releva, blessée,mais elle rendit l’âme une semaine plus tard en laissant son mari aux prises avec les Brugeois et deux enfants au destin agité : Philippe le Beau et Marguerite d’Autriche. Des légistes purent déterminer la cause de sa mort. En plus des fractures aux bras, ils s’aperçurent que les sabots du cheval avaient provoqué des blessures internes et perforé le poumon. De plus, Marie était enceinte. Sortez vos mouchoirs ! Désireuse d’être enterrée à Bruges, elle fut rejointe par son père, qui repose (si l’on peut dire, car il ne restait pas grand-chose après le passage des loups, à Nancy) dans un mausolée jumeau. Les mausolées sont d’une facture superbe  : Marie est touchante de grâce, ses longues mains sont finement ciselées. Le mausolée de son père, fondu 70 ans plus tard, dénote dans ses détails l’apport de la Renaissance.

Les sarcophages que l’on aperçoit dans la crypte, sous les mausolées et dans une chapelle, sont ceux de prélats du XIIIe s. Les fresques romanes qui en ornent l’intérieur sont absolument splendides et admirablement conservées.L’artiste, plutôt contorsionné au fond de son trou, n’avait que quelques heures pour peindre al fresco, ce qui n’était pas sans complication. Pour les sarcophages les plus récents, on se contenta de tapisser les parois de des sinsfaits à l’avance sur papier, qu’il suffisait ensuite de coller à la chaux.

L’église recèle encore bien des trésors tels la Vierge aux sept douleurs (1528) d’Isembrant, un Christ en croix de Van Dyck et des tableaux de Pourbus et de Gérard David. En contournant le déambulatoire, vous remarquerez de superbes confessionnaux sculptés et en contre-haut la chapelle privée des Gruuthuse.

Sint Janshospitaal (hôpital Saint-Jean)  : En face du parvis de Notre-Dame, ce vaste ensemble de brique servit d’hôpital à la ville jusqu’en 1976. Fondé au XIIe s, il était utilisé comme hôtel pour offrir le gîte et le couvert aux marchands. Des miséreux y étaient abrités pour la nuit mais remis à la porte dès le matin. Sa fonction de lieu de soins et de bienfaisance ne vint que plus tard. Sa construction d’origine se vit augmentée de plusieurs annexes au cours des siècles. Dans les salles des malades sont présentés des objets relatifs à la vie hospitalière ainsi que quelques œuvres d’art religieux dans une muséographie sobre et aérée.

L’intéressante expo décrit le rôle de l’hôpital et des œuvres de charité depuis sa fondation,la vie quotidienne des sœurs et des malades, ainsi que les soins donnés par les chirurgiens, assistés des barbiers. Pour se faire une idée précise de l’organisation de l’hôpital autrefois, il faut s’attarder sur le tableau assez angoissant de Jean Beerblock (1778) qui représente la salle des malades et ses150  lits répartis en travées selon le sexe. Quelques écrans interactifs permettent d’approfondir le fonctionnement de l’institution. Au fond de la salle, prendre l’escalier en colimaçon pour accéder au grenier de Diksmuide qui servait à stocker les réserves et pour en admirer la monumentale charpente en chêne de  15  m construite en 1234 et considérée comme la plus ancienne du Benelux.

La salle Memling

Né en 1435 en Allemagne, soldat de métier, Hans Memling travaille à Cologne et à Bruxelles avec Rogier Van der  Weyden (de la Pasture). Il s’installe en 1465 à Bruges, dont il devient citoyen, après avoir été soigné, dit-on, à l’hôpital pour blessures de guerre. Il a pour clients des ordres religieux, des bourgeois et des marchands italiens. On remarque d’ailleurs l’importance des scènes urbaines. Doté d’un sens aigu de la couleur, il réussit dans ses compositions la synthèse des apports de ses prédécesseurs et annonce déjà la Renaissance. La sérénité de ses personnages contraste avec le maniérisme qui caractérisera les peintres du XVIe s.

Quelques œuvres exceptionnelles sont installées dans la chapelle de l’hôpital Saint-Jean. Quatre d’entre elles ont été commandées par cette même communauté religieuse.

  • La châsse de sainte Ursule : sur un coffre de bois sculpté, agencé comme une chapelle gothique, on voit le récit du pèlerinage à Rome de sainte Ursule accompagnée de ses 11  000  vierges, leur retour par Bâle et leur massacre par des païens à Cologne. La légende se situe aux premiers siècles de la chrétienté, mais Memling a représenté le cadre géographique et les costumes de son époque. On reconnaît les clochers de Cologne.
  • Triptyque de saint Jean-Baptiste et saint Jean l’Évangéliste  : le panneau central évoque le mariage mystique de sainte Catherine. Les épisodes de la vie des deux saints Jean (patrons de l’hôpital) sont évoqués par une succession de scènes à l’arrière-plan. La vision de l’Apocalypse de l’Évangéliste à Patmos est fulgurante d’imagination et le regard que posent les spectateurs sur le Baptiste lors de sa décapitation en dit long sur le dédain qu’ils ont pour lui.
  • Deux petits triptyques : celui de l’Adoration des Mages et celui de la Déploration du Christ sont moins spectaculaires mais bien délicats tout de même.
  • Dans la chapelle Corneille adjacente (mais parfois placé aussi dans la salle) : un portrait de jeune fille, souvent appelée la Sybille Sambetha, car on a longtemps pensé qu’elle représentait la Persane qui annonça la venue du Christ.Le relief est accentué par le bout des doigts débordant du cadre.
  • Diptyque de Maarten Van Nieuwenhove : les deux personnages se trouvent dans la même pièce. La preuve en est donnée par le reflet de leur dos dans un petit miroir rond derrière la Vierge. Le portrait du donateur est attendrissant.

L’ancienne pharmacie

Mérite absolument ce détour, qui ne vous prendra que quelques minutes  : un petit cloître entoure une jolie cour intérieure avec un puits à margelle et des parterres de simples. Dans la pharmacie  : mortiers, balances, pots en grès témoignent de l’activité de cette ancienne institution. Dans la salle de réunion annexe, quatre siècles de pharmaciens vous contemplent. Certains étaient espagnols.

Godshuizen (maison-Dieu) : La maison-Dieu est un phénomène social et urbain typiquement brugeois. Les plus vieilles datent du  XIIIe s, mais leur nombre n’a cessé d’augmenter au fil des siècles. Au milieu du XIXe s, Bruges était la ville la plus pauvre du pays et on se rappelle qu’à partir du XVIe s elle a cessé de se développer : de grandes zones sont restées vides à l’intérieur des remparts. Par ailleurs, la misère s’est installée et une partie de la population s’est retrouvée sans même un toit. Les guildes, propriétaires de terrains vides (souvent des « fonds de jardins »), se sont préoccupées du sort de ces miséreux et ont financé la construction de ces petites maisons basses, faites d’une seule pièce, une seule fenêtre et une lucarne mais, luxe pour l’époque, disposant au centre d’un point d’eau, d’un jardin potager et de toilettes.

Brouwerij De Halve Maan (brasserie LaDemi-Lune) : Datant de 1546, c’est la dernière brasserie qui subsiste en centre-ville. La visite de cette ancienne malterie reste un grand moment,d’autant plus que « le » ou « la » guide est un modèle du genre, dosant érudition et humour, pour mieux captiver petits et grands. Tout le processus de fabrication est expliqué au long de la balade, même si aujourd’hui les activités de magasinage, de mise en bouteilles et de remplissage des fûts on tété transférés à l’extérieur de la ville. Restait à régler le problème du transport de la bière en citernes, afin d’éviter les embouteillages. D’où cette idée lancée par l’héritier de la maison : créer un pipe-line d’un genre nouveau entre la brasserie et l’usine (3,2  km), projet pour lequel nombre de locaux ont apporté leur participation financière. Même ceux qui devaient espérer, paraît-il pouvoir se brancher sur le pipe-line passant dans leur cave ou à proximité… Dans les cuves, vous l’apprendrez peut-être, comme les100 000  visiteurs annuels, les ouvriers chargés du nettoyage devaient porter un masque pour se prémunir d’une cuite aux vapeurs d’alcool. Suivez la visite, en vous accrochant à l’échelle, la vue depuis les toits est magnifique. En redescendant, vous serez récompensé de votre effort.

Prinselijk Begijnhof ten Wijngaarde (béguinage princier de la Vigne)  : Un lieu emblématique classé au Patrimoine mondial de l’Unesco avec les autres béguinages de Flandre. De cet endroit (exceptionnel en hiver) se dégage une indicible poésie, comme si une grâce divine se manifestait en permanence dans le bruissement du feuillage de ses hauts peupliers. L’éclat impressionniste des taches de soleil sur les pelouses piquetées de jonquilles, le trottinement d’une religieuse se pressant vers la chapelle, le bandeau rouge et blanc des maisonnettes cachées derrière le muret de leur jardin, tout cela contribue à faire du béguinage un lieu qui force le respect.

Sint Salvatorskathedraal (cathédrale Saint-Sauveur) : Au IXe s se dressait ici une église romane. De construction en incendie et de destruction en restauration, cette église de brique est devenue cathédrale à la suite de la disparition de Saint-Donatien. Il se dégage de son clocher une impression de massive austérité, même si le sommet néoroman égaye un peu l’ensemble. L’intérieur atténue cette impression  : pour une fois, le chœur n’est pas trop envahi de baroque, le jubé du XVIIIe s a été déplacé en 1935 pour se retrouver au fond de l’église, surmonté d’orgues, et c’est mieux ainsi. La statue du Dieu créateur en marbre blanc est signée Arthus Quellin. Le XIIIe  chapitre des chevaliers de la Toison d’or s’y est tenu en  1478. On peut y voir les blasons. Dans le chœur, deux mausolées et une belle châsse (de saint Éloi), ainsi que de belles stalles du XVe s. Huit tapisseries du XVIIe s, largement tendues sur les murs,racontent la vie du Christ. Dans les chapelles adjacentes, tout à fait dignes d’intérêt, un retable représentant l’arbre généalogique de sainte Anne et un christ en croix qui a l’air de taper dans un ballon. La légende dit qu’en fait il a repoussé un iconoclaste qui voulait le détruire.

Au nord du Markt, dans l’ancien quartier hanséatique

  • Sint Jacobskerk (église Saint-Jacques)  : Église-halle à trois nefs, elle fut embellie par les dons des ducs de  Bourgogne, proches résidents. Les iconoclastes ne laissèrent pas grand-chose des trésors qui la meublaient. Il reste tout de même quelques miettes remarquables  : le jubé, des peintures de Blondeel et de Van Oost et, surtout, un retable attribué à un anonyme brugeois, le Maître de la légende de sainte Lucie, qui peignit La Légende de sainte Lucie de Syracuse. La ville de Bruges y est représentée à l’arrière-plan.
  • L’église de Jérusalem : C’était l’église privée d’une riche famille de marchands génois, les Adornès. Elle appartient toujours à leurs descendants. Deux d’entre eux, vers  1470, au retour d’un pèlerinage en Terre sainte,obtinrent du pape l’autorisation de bâtir une église sur la base des plans de l’église du Saint-Sépulcre. Voilà pourquoi cette construction paraît si atypique, avec son clocher-tour surmonté de la croix de Jérusalem et de la palme de Sainte-Catherine (du mont Sinaï). Les deux tourelles arborent un soleil et un croissant de lune. À l’intérieur, les gisants Adornès, dont le visage est illuminé par le soleil au solstice d’été (d’autres membres de la famille reposent sous les dalles). Sous la chapelle, une fausse crypte avec une copie du tombeau du Christ. Vitraux remarquables également.
  • Windmolens (moulins à vent)  : Au XVe s, 28  moulins tournaient de concert. Aujourd’hui, seul celui du nord (Sint Janhuis), encore en activité, peut-être visité. La machinerie est toujours aussi impressionnante.

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2 août : Bruges – Anvers

Ce matin, avant de prendre la direction d’Anvers, nous refaisons une petite sortie matinale et, après avoir rendu l’appartement, nous allons visiter l’hôpital Saint-Jean (Sint Janshospitaal).

Puis nous prenons la route pour Damme, l’ancien avant port de Bruges. Il n’y a pas grand-chose à voir ici mais le détour vaut la peine quand même. Si nous avions passé plus de temps à Bruges nous aurions loué des vélo et serions venus ici à bicyclettes en longeant le canal.

Nous montons au sommet de la tour de l’Église Notre-Dame. De là nous comprenons bien ce que veut dire le “plat pays” !! Pas une colline à perte de vue … Une des activités proposées lorsqu’on est tout là-haut, c’est de compter les nids de cigognes. Il paraît qu’elles se sentent particulièrement à l’aise ici …

En arrivant à Anvers, on entre vraiment dans une grande ville. Beaucoup de circulation, embouteillages, … Finalement, après avoir subi les sens uniques innombrables de la ville nous arrivons à notre appartement.

Nous consacrons la fin de l’après-midi à aller visiter les quartiers de la gare et des diamantaires.

Toutes les photos ici.

DAMME

L’ancien avant-port de Bruges est une ville miniature qu’il ne faut pas rater. C’est à Damme que la légende d’Ulenspiegel (Thyl l’Espiègle) a vu le jour. C’est aussi un excellent point de départ pour randonner à vélo dans les polders, « là où un canal s’est perdu », comme le chantait le grand Jacques. Damme est devenu un village du livre en  1997 et accueille, outre une dizaine de bouquinistes permanents,un marché aux livres le 2e dimanche de chaque mois.

UN PEU D’HISTOIRE

 Damme vient de dam (digue), comme dans « Amsterdam ». Après la fameuse tempête de 1134 qui crée le Zwin, des Frisons (des spécialistes, déjà) viennent endiguer la région et sécher les polders. Une jetée d’accostage est construite sur le Zwin. À son extrémité, un village de pêcheurs : Damme. Un canal le relie alors à Bruges. Rapidement, la petite cité obtient des droits de monopole : le vin de Bordeaux et le hareng de Suède. Début du boom de la construction, avec l’église Notre-Dame, les halles et l’hôpital Saint-Jean. Philippe Auguste incendie la ville. On reconstruit mais, dès la fin du XIIe s, l’ensablement du Zwin menace. Damme reste pour Bruges un relais de première nécessité. En 1468, c’est à Damme que Charles le Téméraire épouse Marguerite d’York. Ensuite, même destinée que sa voisine avec la décadence et les guerres de Religion. Au  XVIIe s, les remparts médiévaux sont remplacés par des fortifications à la Vauban. Damme est alors un avant-poste dans la guerre contre les Pays-Bas. Napoléon fait creuser un canal vers l’estuaire de l’Escaut, sans tenir compte de l’urbanisation. Résultat, la ville est amputée de moitié. Et, en 1944, de terribles combats ont lieu à proximité.

DAMME

L’église : Le meilleur moyen de se rendre compte visuellement de ce que Damme a pu être par le passé est de grimper en haut de la tour de l’église et, à 43  m d’altitude, d’embrasser le paysage alentour. On distingue nettement le tracé des anciennes fortifications, à l’intérieur desquelles toute une ville se serrait. Il n’en reste pas le quart. Et pourtant, ce qui subsiste ne trompe pas. Damme a connu des temps meilleurs, mais il y règne un climat un peu aristo (très gentleman farmer), comme si ses vieilles pierres n’en finissaient pas de se remémorer la gloire d’antan.

  • Au pied de l’église, un cimetière où les saules taillés en candélabres répondent aux pierres de la nef en ruine. L’église, qui abrite déjà nombre d’objets religieux, de pierres tombales évocatrices, de tableaux pourrait se transformer un jour prochain en musée religieux, reste à trouver suffisamment de bonnes âmes pour le financer.

Stadhuis (hôtel de ville)  : ne se visite pas, sauf quand il y a des expos. Datant de  1464, coiffé d’un immense toit, il offre un bel exemple du gothique tardif : dans les niches, entre les fenêtres, les comtes de Flandre continuent à monter la garde du passé. À l’angle sud, deux pierres de justice  : on les pendait au cou des femmes médisantes, qui étaient forcées de trimbaler ce lourd collier jusqu’à l’église pour se confesser. L’horloge, quant à elle, est d’origine. Il abrite dans les hauteurs un carillon de 39 cloches et cache, à ses pieds, la plus petite boutique de livres anciens de Belgique (15 m2).

La statue sur la place est celle d’un Flamand important : Jacob Van Maerlant (XIIIe s), appelé le « père de la poésie néerlandaise ». Ce fut surtout un moraliste que les écoliers flamands sont obligés de se farcir, parce qu’il fut l’un des premiers à utiliser la langue populaire, le diets. Sa pierre tombale est dans l’église. On la prend à tort pour celle de Thyl l’Espiègle, qui est un personnage de fiction. Une farce digne de son esprit frondeur serait à l’origine de la confusion.

Sint Janshospitaal (hôpital Saint-Jean)  : Kerkstraat, 33. Fondé par Marguerite de Constantinople au XIIIe s, il tenait ses revenus de la « jauge des vins ». Le père jaugeur mesurait la capacité des tonneaux de vin de Bordeaux importés à Damme. Nul doute que la fonction était très convoitée. Comme beaucoup de ses semblables, ce bâtiment est fermé en attendant d’accueillir l’office de tourisme et de voir une partie des locaux transformée en résidence.

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3 août : Anvers

Ce matin, contrairement aux autres, je ne ressens pas le besoin de sortir tôt. C’est donc vers 9h que nous prenons le chemin du centre historique : cathédrale, grand-place, hôtel de ville, … Ici il y a nettement moins de touristes qu’à Gand et surtout qu’à Bruges (qui est la ville musée par excellence !). L’ambiance est vraiment complétement différente.

Nous allons ensuite au bord de l’Escaut voir le château du Steen, puis, tout en longeant le fleuve, nous rejoignons le tunnel Saint-Anne qui permet aux piétons et aux cyclistes de rejoindre l’autre rive de l’Escaut.  Il fut inauguré en 1933. L’intérêt pour nous est d’emprumter les authentiques escaliers mécaniques en bois qui, à l’époque de l’ouverture, furent absolument uniques.

Après un détour par les petites rues du centre ville nous arrivons finalement au Museum aan de Stroom (MAS). Ce n’est pas le musée en tant que tel qui nous intéresse, mais le bâtiment lui-même. Posé au bord du bassin Bonaparte sur l’ancien port d’Anvers c’est vraiment l’architecture qui le rend très particulier. Des géométries improbables de pierre bigarrée et de verre ondulé…

Nous reviendrons cet après-midi pour monter sur le toit du musée parce que nous devons maintenant aller voir le musée aménagé dans la maison de Rubens. Grand saut dans le temps !!

Nous poursuivons notre visite d’Anvers par une galerie marchande : le Stadsfeestzaal. Pendant longtemps, c’était l’une des salles les plus connues d’Anvers, qui abritait des expositions d’art, la Foire des Antiquaires d’Anvers, la foire du livre, le salon de l’automobile et diverses fêtes. En 1983, le bâtiment a été classé monument protégé . Le 27 décembre 2000, un grave incendie a détruit presque tout le bâtiment et il n’en reste presque plus rien. En 2004, la mairie a signé un bail avec un maître d’ouvrage pour la reconstruction de la salle des fêtes. Les travaux débutent cette même année. Le 25 octobre 2007, la Stadsfeestzaal entièrement rénovée a rouvert ses portes au grand public, cette fois en tant que centre commercial luxueux. Le dôme de verre à la feuille d’or, l’escalier, les décorations d’origine, les sculptures, les mosaïques, les reliefs muraux et le parquet en chêne ont été reconstruits fidèlement à l’original. Le marbre du hall principal provient de la même carrière que le marbre placé à l’origine dans le hall.

En fin d’après-midi nous retournons au MAS. Cette fois nous montons sur le toit. Nous avons ainsi une vue à 360° sur la ville et sur le port qui s’étend jusqu’à l’horizon.

Anvers est une ville surprenante. Entre modernité et ancienneté, elle gagne, à mon avis, à être connue et découverte.

Toutes les photos ici.

« Anvers doit l’Escaut à la Providence, et tout le reste à l’Escaut. »
Un poète néerlandais

Jusque dans son nom –  comme le reflet d’un endroit  –, cette ville est un mythe. Elle est chef-lieu de province, mais elle est bien plus : aux XVIe et XVIIe s, elle rayonnait sur le commerce de l’Europe du Nord avant de céder la place à Amsterdam. De nos jours, son arrière-pays, c’est toute la Belgique et aussi la France du Nord, Aix-la-Chapelle… Cologne et la vallée du Rhin. Avec un demi-million d’âmes, Anvers est une cité cosmopolite qui parle toutes les langues du monde (172 nationalités contre 193 à New York !).
Aujourd’hui, c’est le deuxième port d’Europe après Rotterdam. Voici la corne d’abondance des grands armateurs, des capitaines d’industrie, des négociants cossus. Mais aussi une des plus vieilles villes libres d’Europe, qui attire depuis toujours artistes et intellectuels. Marins en escale dans des auberges aux pignons baroques, courtiers en diamants, chefs-d’œuvre de Rubens et fruits du Congo  : Anvers est née de l’Escaut qui la relie à la mer et au monde. Il y a là de quoi être secoué comme un vulgaire ballot débarqué sur les quais  : Anvers n’est-elle pas cousue d’or ? Comme Marseille, cette ville semble être chouchoutée par Mercure, le dieu antique des voyageurs et du commerce. Autour du vieux port, les prostituées ne font plus recette. Des bars, des restaurants, des esplanades viennent accompagner l’émergence de nouveaux lieux culturels dressant dans le ciel le symbole de la ville de demain.
Il n’y a pas que les diamants qui brillent à Anvers. Ici, la Flandre a oublié la farce pour arborer le masque du génie. Anvers abrita Christophe Plantin –  le Gutenberg des Flandres  – et le grand Rubens, à la fois artiste, humaniste et diplomate. Ces deux personnages résument à eux seuls l’esprit qui souffle à Anvers. Ainsi s’épanouirent toutes les avant-gardes. Et la ville n’est pas non plus du genre à dilapider son héritage. Tout en recréant de nouveaux quartiers au nord et au sud, Anvers ne cesse de bichonner ses trésors. Aménageant, restaurant son patrimoine, lançant des expositions ou de nouveaux lieux prestigieux comme le spectaculaire musée MAS dans le quartier des docks. Et protégeant ce qui fait son âme  : places, jardins, églises baroques et sanctuaires des guildes. Vieux cafés à vitraux où l’on sirote son genièvre sur des tables en marbre. Asperges à la flamande et bières d’abbaye. Une chaleur de tous les instants, portée par une qualité de vie que peu d’autres ports voisins approchent. Quel est le souverain qui n’a pas rêvé de contrôler ces bouches de l’Escaut ?
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Un point stratégique

Aux IVe et Ve s, bien avant d’arriver en France, les Francs s’étaient établis sur l’Escaut. Au Xe s, le marquisat d’Anvers intégrait le Saint Empire germanique. Un siècle plus tard, le Castellum et l’église Sainte-Walburge surgissaient du limon. Au XIIe s, on retrouva la ville annexée au duché Brabant. Son importance grandit ensuite avec l’essor de l’industrie du drap.

L’âge d’or

Détrônant alors Bruges dont l’accès s’ensablait, au XVe  s et au siècle suivant, Anvers devint le centre économique et commercial le plus important de l’Europe occidentale. Les marchands de tous les pays se firent un devoir d’y ouvrir une succursale. Sa population bondit de 40 000 à 100 000 habitants. Les bateaux embarquaient à tour de bras poissons, grains, sel et débarquaient les trésors – soies, diamants, verre et faïences  – d’un Extrême-Orient tout juste découvert. Pas étonnant si sa prospérité attira les meilleurs artistes de l’époque. Anvers fut saisie par la fièvre culturelle. On y croisait du beau monde  : Quentin Metsys, Mercator, Bruegel, Juste Lipse, Plantin, Marnix de Sainte-Aldegonde… En  1559, l’église Notre-Dame fut élevée au rang de cathédrale. Pour exhiber la bonne santé des affaires, on s’offrit une Bourse, une Maison des bouchers… Et c’est sous la protection de Charles Quint, Sa Majesté très catholique, qu’Anvers exportait ses célèbres retables sculptés.

Les guerres de Religion

Le déclin s’amorça dans la seconde moitié du XVIe s. Philippe II, fils de Charles Quint, était plus un souverain espagnol que flamand  : c’est-à-dire catholique et absolutiste, bien décidé à remettre de l’ordre dans ses possessions du Nord. À  Anvers, les protestants étaient nombreux. Entre catholiques et réformés, la guerre civile fit rage. En 1566, un parti d’iconoclastes s’acharna sur la cathédrale, détruisant statues et tableaux de la Vierge et des saints. En 1576, le roi d’Espagne envoya ses armées dans les Flandres. Une partie des troupes espagnoles mutinées mirent la ville à sac. Cette « furie espagnole » tua plusieurs milliers d’habitants et ce drame fut l’élément déclencheur du soulèvement des provinces du sud des Pays-Bas espagnols restées loyales à la couronne espagnole. En 1583, François d’Anjou lança 4 000 soldats pour prendre Anvers. Sans vraie garnison de défenseurs, les citoyens repoussèrent l’attaque, mettant en déroute l’armée française.
En  1585, le condottiere de Philippe  II, Alexandre Farnèse vint à bout de la résistance de la ville après un siège de 13 mois qui eut un retentissement dans l’Europe entière. Les provinces du Nord, sécessionnistes, fermèrent l’estuaire de l’Escaut et Farnèse, maître de la place, donna 4  ans aux non-catholiques pour quitter la ville. Pour le grand port, ce fut le début de l’isolement et la ruine. Tout bénéfice pour Amsterdam qui accueillit les fugitifs, ouvriers qualifiés, intellectuels, riches négociants et banquiers juifs. Il faudra attendre  1795, en  effet, pour que l’Escaut soit rouvert à la navigation, grâce aux armées de la Révolution française.

1804-1814 : Anvers dans l’Empire français

Quand le Premier consul Bonaparte arriva à Anvers en 1803, il eut de la ville, c’est le moins qu’on puisse dire, une opinion tranchée (« C’est le patelin de province le plus délabré que j’aie jamais vu ! »). Il n’y passa qu’une nuit, mais le lendemain son premier soin fut d’ordonner la construction de nouveaux docks et des bassins plus vastes. Par sa position géographique, Anvers devra jouer, pour lui, le rôle d’« un pistolet braqué sur l’Angleterre », l’Escaut tenant lieu de canon. En  1810, Napoléon, devenu empereur, inaugura sur une galère d’apparat le petit Bassin, nommé aujourd’hui Bonaparte Dok. La paix revenue à la suite de la bataille de Waterloo, les Pays-Bas furent réunis, pour la plus grande prospérité d’Anvers. En  1830, l’indépendance belge apporta d’autres soucis. Pour condition de leur départ, les Hollandais instaurèrent une lourde taxe sur l’Escaut qui ne fut abolie qu’en 1863 !

Les XIXe et XXe s

L’époque moderne apporta le dynamisme économique et culturel. On croisait à Anvers le peintre De  Braekeleer, le sculpteur Lambeaux, l’écrivain Hendrik Conscience, les gloires de la nouvelle Belgique. La ville, on s’en doute, profita à plein de la révolution industrielle et de la colonisation du Congo qui fournit quantité de matières premières (caoutchouc, ivoire, minerai) et stimula le trafic portuaire. Des bâtiments en verre et en fer y proclamaient fièrement la modernité. Deux Expositions universelles s’ajoutèrent au rayonnement international
En 1914, avec l’occupation de Bruxelles, Anvers fut brièvement la capitale de la Belgique en tant que réduit défensif, à l’abri d’une imposante ceinture de forts. Bombardée par les Zeppelin, la ville tombe aux mains des Allemands après 13 jours de siège. L’armée belge entame son repli derrière l’Yser. Anvers se vit attribuer les Jeux olympiques de 1920 en compensation de ses souffrances. Malgré les épreuves des bombardements, en 1944, de V1 et V2 qui éventrèrent plusieurs quartiers (en  1945, on y dénombra plus de bombes qu’à Londres pendant le blitz), Anvers va reprendre son souffle grâce aux investissements du plan Marshall après 1945. Avec plus de 180  millions de tonnes de marchandises et 15 000 navires qui y transitent chaque année, son activité portuaire se classe au deuxième rang européen, derrière Rotterdam (17e rang mondial), et son industrie pétrochimique en deuxième place dans le monde, après Houston.

Une réputation controversée

Plus d’un demi-siècle après la guerre, aux élections communales de 2000, un électeur sur trois vota pour le Vlaams Blok, le parti de l’extrême droite flamande. Au printemps 2003, le « cordon sanitaire » autour dudit parti, devenu entre-temps Vlaams Belang, faillit se désagréger à la suite de la démission collective du collège de la Ville (le conseil municipal). Les élections de l’automne 2006 changèrent la donne et les partis démocrates réussirent à regagner la confiance des électeurs. Le Vlaams Belang, qui espérait investir la mairie, dut renoncer à son objectif de conquête, mais aux municipales de 2012, comme on s’y attendait, Bart De  Wever, le leader du parti nationaliste  N-VA (mais démocratique et proeuropéen), fut élu au poste de bourgmestre avec près de 38 % des voix en sa faveur et un projet national qui œuvre à moyen terme pour une Belgique confédérale à défaut d’une république flamande immédiate. En conclusion, n’arrivez pas avec des idées préconçues pour autant, les Anversois sont accueillants et parleront volontiers de l’avenir de leur ville, de leur région, de leur pays et de l’Europe (dans l’ordre !) autour d’un verre et plus, si affinités. L’alternance de « fun shopping » et de culture décontractée fait partie des recettes conseillées pour apprivoiser une ville qui revendique un caractère à la fois éclectique et « bourguignon », terme ici n’ayant rien à voir avec l’image de terroir que les Français attribuent à la région du même nom.


Dans le centre ancien, autour de la Grand-Place et le long de l’Escaut

Grote Markt (Grand-Place) et ses maisons des guildes : au centre, une fontaine monumentale de Jef Lambeaux où un Brabo de bronze lance vers le fleuve la main du géant Antigoon. Le triangle de la Grand-Place est entouré par les maisons Renaissance des guildes. Au no  5, la maison qui abrite le café Den Bengel était le siège des tonneliers : on y distingue, au sommet, la statue de leur patron, saint Matthieu. Le no 7, qui porte une statue de saint Georges, hébergeait les réunions des arbalétriers. Le no 38 accueillait la corporation des drapiers. Quant au no  40, la maison Roodenborgh, elle passa des mains des tanneurs et des cordonniers à celles des charpentiers. On comprend leur convoitise : la façade baroque est la plus belle de la place.

Stadhuis (hôtel de ville) : Date de  1564. Le style en fut Renaissance. Ou à peu près… Ainsi, la partie centrale est plutôt très flamande. Incendié par les Espagnols en 1576, il fut aussitôt rebâti. Trois niches surplombent l’hôtel. L’une abrite la Vierge – qui en a délogé Brabo vers la fin du XVIe s. Dans les autres, notez  – c’est toujours utile –  les deux vertus indispensables à qui veut gouverner : la Justice et la Prudence. Vous verrez aussi trois blasons  : celui du duché de Brabant à gauche, celui de Philippe  II au milieu et celui du marquisat d’Anvers sur la droite. L’aigle regarde en direction d’Aix-la-Chapelle (la « capitale » du Saint Empire romain).

Onze-Lieve-Vrouwekathedraal (cathédrale Notre-Dame)  : C’est la plus grande église gothique des anciens Pays-Bas. Sa construction (1352-1521) prit quasiment deux siècles. Rien n’était trop beau pour afficher la prospérité de la cité. Comme toutes ses consœurs, elle a connu des hauts et des bas. Parmi les bas, le grand incendie de  1517, les raids iconoclastes des protestants (entre  1566 et  1581), la « sollicitude » de l’occupant français révolutionnaire. Le bon côté de ces désagréments fut que chaque destruction fut réparée par un embellissement inédit. Plusieurs architectes s’y sont donc succédé. Et les plus récents n’ont pas été les plus malhabiles. Commencez par admirer la tour : 123 m de haut s’il vous plaît, avec un carillon de 47 cloches. Du même coup, vous remarquerez sans doute, au sommet de la croisée du transept, une coupole à bulbe, plutôt incongrue…
La cathédrale comprend 7  nefs et 125  piliers. En plein centre, difficile de manquer la splendide chaire de Vérité, véritable chef-d’œuvre de la sculpture flamande de style baroque naturaliste, à la limite du rococo. Toutes aussi impressionnantes, les très belles stalles néogothiques. Parmi les innombrables statues et tableaux, Rubens impose quatre merveilles, d’un réalisme qui frôle le baroque. L’Érection de la croix (1610), La  Résurrection du Christ (1612), La Descente de croix (même année) et L’Assomption de la Sainte Vierge (1625-1626). Le tableau La Descente de croix est très admiré par les touristes japonais qui apprennent à l’école une histoire intitulée « Nello et son chien Patrache », dont le dénouement pathétique s’achève au pied de cette peinture. Rubens aurait élaboré sa fameuse couleur rouge avec du sang de pigeon. Si La  Résurrection lui a été commandée par Moretus, gendre de l’imprimeur Plantin, d’autres auraient été réalisées pour des corporations. Vous verrez encore deux magnifiques retables, Notre-Dame de la Paix et La  Légende de sainte Barbe, ainsi que le remarquable gisant d’Isabelle de Bourbon.
Pendant les travaux du musée des Beaux-Arts, les grands retables s’exposent à la cathédrale. Quelle bonne idée ! Avant la Révolution française, la cathédrale comptait une dizaine d’autels commandés par les corporations, richement décorés et le plus souvent surmontés d’un imposant retable. Certains de ces chefs-d’œuvre, venus enrichir le fonds du musée royal, sont aujourd’hui de retour à la cathédrale. Grandiose et émouvant !

Le puits de Quentin Metsys : devant l’entrée de la cathédrale, juste à droite en sortant. L’histoire raconte que le jeune Metsys était forgeron. Il s’éprit de la fille d’un peintre, mais ce dernier s’opposait à tout mariage. Dès qu’il terminait une toile, le peintre s’octroyait une petite fête en ville… en laissant sa fille seule. Profitant d’un de ces soirs, la jeune fille ouvrit la porte à Quentin Metsys. Le forgeron peignit une mouche sur le tableau que le peintre venait d’achever. À  son retour, le père s’efforça de chasser la mouche tant elle était plus vraie que nature ! Beau joueur, il reconnut le talent de Metsys et l’accepta pour gendre. Ainsi est-il inscrit sur le puits  : « De smidt die uit liefde schilder werd », autrement dit « Le forgeron qui devint peintre par amour ». On attribue l’élégante grille en fer forgé à Quentin Metsys issu d’une famille de forgerons de Louvain, qui s’initia à la peinture avec Dirk Bouts.

Het Steen : L’histoire du château du Steen se confond avec celle d’Anvers. C’est ici que vivaient les premiers agriculteurs à l’époque romaine. Le castrum (château) ne serait apparu qu’au IXe s et ses remparts (côté place), au XIIIe s. À cette époque, le Steen faisait office de prison: le crucifix de l’entrée servait aux dernières prières. Mais le Steen eut également une vocation militaire. Planté sur le bord de l’Escaut, ce château stratégique gardait en quelque sorte la frontière entre les terres françaises et celles de l’Empire. C’est pourquoi Charles Quint, dont la devise Plus Oultre («Toujours plus») flotte au-dessus de la porte, le fortifia considérablement.

Entre la cathédrale et la gare Centrale, en bordure du Meir
Ce sont les « ramblas » de la ville, comme vous le diront ses habitants, qui ont vu, d’un œil amusé, les trottoirs s’élargir et tout le secteur devenir piéton, ou presque, entre les deux « cathédrales », la gare Centrale ayant acquis ce statut peu catholique. Et c’est le Meir, l’une des plus grandes artères commerciales de Belgique, qui relie tout naturellement ces deux monuments. Ne manquez pas, au milieu, de faire une pause dans la galerie Stadsfeestzaal, entièrement rénovée.

Rubenshuis : plus qu’une révélation esthétique, la maison de Rubens propose un voyage dans la vie d’un homme.

Sint Jacobskerk (église Saint-Jacques)  : Cette église de style gothique flamboyant (XVe et XVIe s) fut la paroisse de Rubens. C’est là qu’il se remaria, c’est là qu’on l’enterra. Il avait lui-même choisi l’œuvre qui décore sa chapelle funéraire  : Notre-Dame entourée des saints (1634).

Sint Carolus Borromeuskerk (église Saint-Charles-Borromée) : C’est l’un des joyaux du baroque dans le monde occidental. C’est aussi l’église de Rubens par excellence. Il en dessina même la façade. Évidemment, l’église comptait plusieurs œuvres du maître. Les jésuites ont édifié l’église de  1615 à  1621. L’intérieur est un modèle de légèreté dans ses volumes et d’équilibre entre ses ors baroques, ses murs blancs et ses boiseries sombres, le tout rythmé par d’élégantes arcades. Remarquez les confessionnaux, ô combien gracieux et originaux. L’ensemble jouit d’une grande clarté. À l’étage, une belle loggia rappelle les églises latines du Sud. Avant d’être rendue au culte, l’église a servi de temple de la Loi, et même d’hôpital. La chapelle de Marie abrite les peintures religieuses de Rubens. Selon la brochure de l’église, « celui qui ne quitte pas ce lieu plein de joie doit être un endurci ».

De Boerentoren : Construit de 1929 à 1932, le Boerentoren, siège de la banque KBC, serait le plus vieux gratte-ciel d’Europe. Art déco s’il vous plaît… L’édifice avait pour vocation d’abriter la première banque d’épargne destinée aux paysans. On ne peut pas le rater  : il domine tout Anvers (93,75 m).

De la gare Centrale à la gare de Berchem, promenade jusqu’au quartier Zurenborg (Art nouveau)

La gare d’Antwerpen Centraal : construite entre  1895 et  1905 par l’architecte L.-J.-J.  de La  Censerie, elle a subi d’importants travaux pour accueillir, depuis 2007, les Thalys en provenance de France. Son style néobaroque vaut largement le coup d’œil, d’autant qu’elle est considérée comme l’une des plus belles gares du monde. Une gigantesque verrière et un magnifique dôme coiffent l’ensemble. Les matériaux (fer et verre) autorisent tous les éclectismes (mélanges de styles, pour ceux qui auraient oublié). Ce grand urbaniste qu’était le roi Léopold II fut le plus ferme soutien de cette « cathédrale du chemin de fer ».

Le quartier juif et les rues des diamantaires

En regardant la façade de la gare ferroviaire, prendre sur la droite. On s’enfonce alors au cœur du quartier juif. La Pelikaanstraat et les rues alentour (plan D3) sont bordées par des dizaines d’entreprises de bijouterie qui ont souvent leur boutique sous les voies du chemin de fer. Ici, les juifs hassidim (qui suivent les préceptes talmudiques de manière stricte), rejoints par des Indiens jaïns, des Libanais et des Arméniens, forment une communauté de quelque 20  000  âmes. Très pratiquants, ces juifs portent une tenue austère et simple  : un manteau noir, un chapeau ou bien la traditionnelle kippa. Selon la tradition, ils ont de longues mèches en papillote roulées autour des oreilles. Jusqu’à présent, beaucoup de ces juifs pratiquants travaillaient dans l’industrie et le commerce du diamant. Clin d’œil linguistique : le mot anglais jew n’est-il pas contenu dans le mot jewel ? Le quartier des diamantaires d’Anvers joue depuis le  XVe  s un rôle essentiel dans l’économie de la ville. Les juifs étaient déjà à Anvers au  XIIe s. C’est aujourd’hui le plus grand centre diamantaire au monde. Voilà un espace urbain qui ne mesure pas  1  km2 mais dont le chiffre d’affaires dépasse les 20  milliards d’euros par an. Ce petit quartier assure à lui seul pas loin de 7 % (en valeur) des exportations annuelles de la Belgique ! Savez-vous que quatre des 29  Bourses du diamant que compte la planète se situent à Anvers ? On trouve dans ce quartier 1  500  sièges de sociétés diamantaires. Côté diamants bruts, ce sont près de  85  % de la production mondiale diamant que compte la planète se situent à Anvers ? On trouve dans ce quartier 1  500  sièges de sociétés diamantaires. Côté diamants bruts, ce sont près de  85  % de la production mondiale

Dans le quartier du MAS et du vieux port, au nord de la ville

MAS – Museum aan de Stroom (musée Au Fil de l’Eau) : Impressionnant et intrigant. C’est le nouveau symbole de la ville qui s’autocélèbre de manière ostentatoire. Dressé au-dessus des anciens docks, évoquant les formes des conteneurs du port, l’entrepôt géant réalisé par l’architecte néerlandais Willem Jan Neutelings superpose sur 10 étages d’énormes coffres en porte-à-faux et reliés entre eux par des galeries vitrées. Ils abritent désormais les témoins du passé. Des « pierres de sable » d’Agra, dont la tonalité oscille du rouge au brun, habillent les façades, parsemées de 3185  mains en aluminium, autre clin d’œil à la légende anversoise de Silvius Brabo (voir encadré, plus haut, dans « Un peu d’histoire »).
Au cœur de ce bunker des temps passés et à venir, les salles (pour reprendre un terme plus muséographique) compilent toute l’histoire de la cité, du Moyen Âge à nos jours en passant par l’âge d’or, et l’évocation des trésors ethnographiques ou maritimes d’autrefois, au moyen d’une muséographie résolument contemporaine.
Des escalators vous incitent à passer du passé au présent, des salles d’exposition à la lumière des couloirs aux vitres déformantes, du noir au clair.
Le Museum aan de Stroom, le MAS (pour faire bref), est un bâtiment hors norme, voulu comme tel pour raconter l’histoire de la cité, de son port et de l’Escaut, et de leur ouverture sur le monde. Musée communal, il regroupe les collections disséminées autrefois dans des musées qui conservaient, chacun à leur façon, un peu de la mémoire des siècles : marine, folklore, ethnographique… L’idée est excellente et louable, même si l’on peut peut-être regretter l’impression fourre-tout qui se dégage de cet empilement de connaissances, et le traitement parfois un peu rapide des sujets abordés.

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4 août : Anvers – Bruxelles

Ce soir nous dormons à Bruxelles. Mais avant d’y arriver nous faisons d’abord un arrêt à Malines. Quand nous y arrivons il pleut légèrement. C’est la première fois que nous devons sortir le parapluie … Mais les prévisions météo annoncent une amélioration pour l’après-midi.

Nous laissons la voiture près de la Grand-Place et commençons notre visite par la cathédrale. Puis nous poursuivons en direction du palais de Marguerite d’Autriche. Nous terminons notre petit tour dans la ville par la Grand-Place. Le soleil commence à percer les nuages.

L’étape suivante est la ville de Louvain. C’est nettement plus animé que Malines ! Il y a beaucoup de monde sur la place devant l’hôtel de ville. Contrairement aux autres villes que nous avons visiter, la Grand-Place est ici relativement petite, coincée entre les bâtiments principaux.

Ce qui nous a fait venir à Louvain c’est surtout le béguinage, le plus grand de Belgique. Malgré sa taille on y retrouve le calme à la sérénité qui se dégageait dans les autres béguinages que nous avons visiter ces derniers jours.

C’est ensuite l’entrée dans Bruxelles à l’heure de pointe. Un peu la galère mais nous arrivons finalement à l’appartement que nous avons loué pour les deux nuits que nous allons passer ici.

Il y a quelques années nous étions déjà venu à Bruxelles mais nous n’avions pas pu bien visiter la Grand-Place car celle-ci était recouverte de fleurs. Cet événement a lieu toutes les années paires. Donc aussi cette année, mais du 12 au 15 août, donc dans une semaine.

Pour marquer ses 50 ans et sa 22e édition, le Tapis de Fleurs 2022 fait un clin d’œil au premier visuel de 1971. Tous les éléments présents dans le premier modèle de 1971 figurent dans le modèle 2022, y compris l’archange Saint-Michel et le Lion belge.


Toutes les photos ici.

MALINES

Avez-vous remarqué que l’hôtel de ville est une ancienne halle aux draps du XIVe s ? Malines est née du drap. Ça lui a réussi… À la fin du Moyen Âge, elle était la capitale des Pays-Bas. En 1473, Charles le Téméraire choisit Malines pour y installer sa Cour des comptes. En  1503, la ville fut choisie comme siège du Grand  Conseil, le tribunal qui rendait la justice sur les 17  provinces des Pays-Bas espagnols. Au début du XVIe s, Marguerite d’Autriche, gouverneur des Pays-Bas, eut le bon sens politique d’y établir son palais. Toutes les bonnes choses ayant une fin, Marie de Hongrie, qui lui succéda, déménagea la Cour à Bruxelles, et la gloire de Malines se fana. La ville ne s’en remit jamais, d’autant qu’au  XVIe  s les Espagnols y occasionnèrent de considérables ravages…

Pendant la Première Guerre mondiale, la ville souffrit beaucoup des bombardements, mais la zone détruite fut reconstruite à l’identique. De nos jours, sa position idéale entre Bruxelles et Anvers attire une nouvelle population, jeune et active, faisant de Malines une petite ville vivante et agréable.

LOUVAIN

Même si les Normands y ont établi une forteresse au IXe s, Louvain ne connaît pas d’essor avant que Lambert Ier le Barbu n’y installe son château, au XIe s. Il faut attendre les deux siècles suivants pour que la ville devienne un centre important, remparé et riche, grâce aux cultures céréalières et à la manufacture de draps. La prospérité ne dure que ce que durent les roses et, à la suite de sanglantes émeutes au XIVe s, Louvain perd son statut de la capitale du duché de Brabant au profit de Bruxelles. Le second âge d’or vient de la culture des esprits. Sous l’impulsion des Bourguignons au XVe s, Louvain se pare, entre autres, de son hôtel de ville et devient une ville universitaire qui, à l’égale de Bologne, Montpellier, Oxford ou la Sorbonne, rayonne dans l’Europe entière. Érasme lui-même y enseigne. Cette spécificité académique demeure de nos jours, malgré la séparation en 1968 des néerlandophones et des francophones.

MALINES

Avec 350 bâtiments classés et pas moins de quatre inscriptions au Patrimoine mondial de l’Unesco (son beffroi et sa tour Saint-Rombaut, son grand béguinage et ses géants ; un record pour une si petite ville !), Malines ne manque pas de charme et réserve quelques surprises, comme deux triptyques de Rubens conservés à Saint-Pierre et Notre-Dame par-dessus la Dyle.

Grote Markt (Grand-Place)  : point de départ d’une visite pleine d’intérêt. Les façades de la Grand-Place appartiennent à plusieurs styles différents. Une bonne raison : pour éviter la propagation du feu lors des incendies, la ville avait décidé de subventionner le remplacement des maisons en bois par des maisons en pierre. Ces rénovations se sont étalées sur plusieurs siècles, enrichissant l’architecture urbaine de toute la succession des styles depuis le gothique, facilement reconnaissable à ses pignons à redans. Quant aux bâtisses baroques, elles se reconnaissent à leurs volutes. La maison échevinale et l’actuelle poste sont les deux plus vieilles maisons de la ville.

Stadhuis (hôtel de ville)  : ancienne halle aux draps du XIVe s, qui a sa grande sœur à Bruges (les Malinois avaient envoyé des gens la copier !). Malheureusement, avec la crise du textile (eh oui, déjà !), le beffroi ne fut jamais achevé, faute de moyens. Les superbes stalles en bois rappellent que Malines a été la ville du meuble. Accolé et ne faisant plus qu’un, le palais du Grand  Conseil, du pur néogothique. Très réussi ! Il fut achevé en 1911, d’après les plans de 1526.

Au sud du Grote Markt, notez la remarquable Schepenhuis (Maison échevinale). Steen du XIVe s, qui accueillit en son temps la cour de justice et le parlement de la ville.

L’Ijzerenleen et les bailles de fer  : la place allongée bordée de belles façades bourgeoises, l’Ijzerenleen, est le résultat du comblement d’un canal. Les balustrades de fer datant de 1531 sont les vestiges de l’ancien marché aux poissons. À  l’époque, elles empêchaient les badauds de tomber à l’eau.

Sint Romboutskathedraal (cathédrale Saint-Rombaut) : voici la merveille du gothique brabançon. Avant de monter au sommet de la tour, ne négligez pas les quelques merveilles que recèle la cathédrale. Une splendide chaire de Vérité, pur chef-d’œuvre d’ébénisterie baroque, qui semble faire corps avec la colonne de pierre. Prodigieux ! Côté œuvres d’art : les Martyres de saint Sébastien ou de saint George de Michel Coxie et le Christ crucifié d’ Antoon Van Dyck situé dans la partie droite du transept.

  • La tour : Préparez votre souffle avant d’entamer l’ascension des 538 marches qui mènent à la plate-forme panoramique. La visite comprend toutefois de multiples arrêts aux étages, pour profiter notamment d’une vue plongeante sur l’orgue et la nef, quelque 30 m sous vos pieds, ou bien admirer de près les mécanismes des jeux de cloches suspendus au sommet de cette tour colossale. Dire que, sur les plans d’origine, elle devait faire  167  m ! Mais les Malinois n’eurent pas les moyens de leur orgueil  : moins d’un siècle après le début des travaux, initiés en 1452, le manque d’argent fige l’ascension de la tour à une hauteur de  97  m. Viennent les guerres de Religion  : l’église se découvre alors d’autres soucis que le prestige. Au vu des projections réalisées par les architectes modernes, il paraît que la tour est mieux ainsi. Notez qu’au début des guerres de Religion le gardien logeait dans la balustrade supérieure. C’est là qu’il claironnait en cas d’attaque ou de départ de feu. Enfin, cette tour est la seule au monde à comprendre deux jeux de 49 cloches. Les notes de ses carillons descendent baigner toute la ville d’une merveilleuse pluie sonore (un orage si vous vous retrouvez dans la chambre des carillons à heure fixe !).

Le palais de Marguerite d’Autriche : Le palais de celle qui exerça la régence après  1507 n’ouvre pas son intérieur aux visites. Reste la cour intérieure gothique tardif, superbe et accessible la journée. La façade frontale (en brique), de style Renaissance, serait antérieure aux châteaux de la Loire. Les appartements de la régente occupaient le 1er étage, au-dessus des colonnes. La salle du Trône (à droite, quand on entre par la rue) abrite aujourd’hui le palais de justice. Nommée gouverneur général des Pays-Bas, Marguerite s’installe à Malines en 1507. Elle se charge de l’éducation de Charles Quint et de ses sœurs. Sa gestion habile et ses talents de diplomate lui permettent de contribuer à la « Paix des Dames », à Cambrai en 1529, qui met fin à la guerre entre François Ier et Charles Quint. À la cour de Marguerite, les arts et les sciences de la Renaissance connaissent un bel essor ; elle reçoit d’éminents artistes et chercheurs (Bernard Van Orley, Érasme…). La musique polyphonique était sa grande passion.

LOUVAIN

Grote Markt (Grand-Place) : à la différence des autres grand-places du pays, celle de Louvain ne possède pas de dégagement important. Coincés entre l’hôtel de ville et la collégiale Saint-Pierre, que bordaient des maisons jusqu’aux années 1940, les cafés de la place paraissent un peu engoncés et l’on manque de recul pour bien observer la flamboyante façade de l’hôtel de ville. À sa gauche, la Table Ronde, bâtisse gothique, a été reconstruite à l’identique en  1921. Grâce à cela, la place, avec ses maisons à pignon, a conservé une certaine cohérence.

Sint-Pieterskerk (collégiale Saint-Pierre) : La construction de ce remarquable édifice de style gothique brabançon débuta au XVe s, sur l’emplacement d’une église romane. Mathieu de  Layens prit évidemment part aux travaux, qui s’étalèrent sur plusieurs dizaines d’années. Au  XVIIe  s, après plusieurs effondrements dus à un terrain trop meuble, on renonça à élever la tour centrale qui devait culminer à  170  m. Si l’extérieur manque d’élévation, l’intérieur en revanche impressionne par l’élégance de ses proportions et la hauteur de sa voûte. Dans le chœur, une « Sedes Sapientiae » du  XVe s, copie d’une plus ancienne du  XIIe s conservée au M-Museum, emblème de l’université. Jetez aussi un coup d’œil aux impressionnants fonts baptismaux et à leur couvercle en ferronnerie, au jubé du XVe s et à l’exubérante chaire baroque dédiée à saint Norbert tombant foudroyé de son cheval. Ce rocher de bois, d’où une végétation flamboyante dégouline sur des personnages et des animaux, est dû au ciseau fantasque de Jacques Berger, qui le réalisa au XVIIIe s. Le trésor, présenté dans le déambulatoire, recèle deux remarquables triptyques de Dirk Bouts. Dirk (ou Thierry) Bouts, peintre primitif flamand né à Haarlem, formé à l’école de Van der Weyden à Bruxelles, devient en 1468 peintre officiel de la ville de Louvain, où il meurt 7 ans plus tard. Le chef-d’œuvre de Bouts, La Cène, exécuté de 1464 à 1468, est exposé ici. Dans le panneau central, à droite du Christ rayonnant, Bouts s’est représenté debout coiffé d’un bonnet rouge. Son autre triptyque représente le martyre de saint Érasme qui, impassible, regarde ses bourreaux enrouler ses viscères autour d’un treuil.

Stadhuis (hôtel de ville) : C’est principalement pour la façade du chef-d’œuvre de Mathieu de Layens qu’on vient à Louvain. Édifié au milieu du XVe s sous le duc de Bourgogne Philippe le  Bon, l’édifice flamboie sous ses six tourelles octogonales. Les lignes verticales, à peine rompues par une abondance de niches, montent vers un toit troué par trois étages de fenêtres en chiens-assis. Au  XIXe  s, sur les conseils de Victor Hugo, visiteur assidu de la Belgique, on décida d’installer une statue dans chaque niche. 236  personnalités de pierre prirent ainsi place sur la façade dont… Napoléon Bonaparte (3e  rangée, 2e  statue à l’arrière de la tour).

Groot Begijnhof (Grand Béguinage) : les origines du béguinage, le plus grand de Belgique avec ses 3  ha, remontent au début du  XIIIe s. Les 72  maisons à colombages ordonnées autour de l’église Saint-Jean-Baptiste datent toutefois des XVIIe et XVIIIe s. Baignées par deux bras de la Dyle, elles forment un ensemble romantique et calme, où il fait bon flâner dans les ruelles pavées, croiser un puits ou une fontaine, admirer les statues qui décorent les niches des façades, regarder la ronde des moineaux sifflotant au-dessus des pelouses ou même échanger un baiser sur un petit pont. Car ce pieux quartier a perdu de son ascèse initiale. Aujourd’hui, le Grand Béguinage abrite cadres universitaires et étudiants en quête de quiétude.

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5 août : Bruxelles

Après une balade matinale en solitaire dans la tranquillité de la ville, partagée avec les livreurs et les éboueurs, nous sortons pour une visite des grands classiques de la ville : la Grand-Place, les galeries royales St-Hubert, le Maneken-Pis, La Jeanneke-Pis, le Zineke-Pis, les fresques murales …

Puis après avoir déambuler dans le quartier des Marolles nous allons voir le fameux palais de justice.

Pour achever notre brève visite de la ville, nous nous plongeons dans le monde de Magritte. Lors de notre passage précédent à Bruxelles nous avions déjà passer du temps dans ce musée.

Demain nous reprenons la route pour la Suisse. Donc quoi de plus naturel que de manger une dernière fois des frites cuites dans la graisse de bœuf dans une des friteries bien connue de la capitale : Fritland.

Toutes les photos ici.

Lointaines origines

Bien sûr, comme un peu partout en Europe occidentale, des fouilles ont révélé la présence humaine dans la région bien avant notre ère et, à l’époque romaine, plusieurs villas, dont la plus connue sur la commune d’Anderlecht, exploitaient les ressources agricoles de la vallée de la Senne.

Le Moyen Âge

Sautons les siècles : 979 ! Déjà plus de 1 000 ans. Cette date qui ne fait pas forcément l’unanimité chez les historiens – mais il faut bien commencer quelque part  – situerait la fondation de la ville lorsque Charles de France, duc de Basse-Lotharingie, fit construire un castrum sur une petite île de la Senne, la petite rivière qui traverse la région. Brosella (habitation des marais), comme le bourg se serait appelé alors, deviendra Bruxelles. Mais les textes qui étayent cette théorie datent du XIVe s, à l’époque où, pour un duc de Brabant, une filiation dynastique directe avec Charlemagne présentait un avantage renforçant son pouvoir. Plus prosaïquement, un emplacement fortifié sur une colline entre comté de Flandre (vassal de la France à l’ouest) et les marches occidentales du Saint Empire romain germanique, le tout à la croisée d’un axe commercial ouest-est et d’une petite rivière navigable (en liaison avec l’estuaire de l’Escaut en aval), présentait bien des avantages stratégiques pour les comtes de Louvain.
Ceux-ci donnèrent au XIe  s une impulsion à l’essor naissant de la bourgade en érigeant un château sur le Coudenberg (littéralement « montagne froide »), et correspondant aujourd’hui à la place Royale. On aménagea des installations portuaires et des moulins à eau sur la rivière et on créa un chapitre de chanoines pour garder les reliques d’une sainte qui répond au charmant nom de Gudule. Puis, au début du XIIIe  s, sous la houlette des comtes, devenus entre-temps ducs de Brabant, on ceintura l’ensemble de remparts, dont quelques vestiges sont encore visibles aujourd’hui. La ville se développa grâce à l’industrie du drap et une bourgeoisie marchande la dirigeait en exerçant son influence sur le « bas » de la ville tandis que les seigneurs et leurs représentants tenaient le « haut ». En 1229, les rapports sociaux entre les différentes composantes de la cité étaient régis par une charte appelée keure. Sept clans patriciens (les lignages) se partageaient le pouvoir civil en nommant chacun un échevin, composant ainsi la magistrature de la cité. Ils détenaient chacun une des clés des sept portes de la ville. En 1261, une crise dynastique dans le duché de Brabant provoqua l’éloignement des ducs de leur fief principal de Louvain pour s’installer à Bruxelles. Ce fut le début d’une ascension politique qui fit que Bruxelles se sentit vite à l’étroit dans son enceinte. Qu’à cela ne tienne, on en dessina une plus grande dont le tracé suivait les limites de ce qu’on appelle aujourd’hui le Pentagone. En 1302, les corporations d’artisans récusèrent l’autorité bourgeoise et s’emparèrent de la ville durant quelques années. La magistrature urbaine fut alors composée d’un représentant du duc, l’amman, assisté des échevins nommés par les lignages. La draperie entra néanmoins en déclin et l’activité se tourna ensuite vers la tapisserie. C’est au XIVe s que la ville, prise durant 2 mois par les troupes du comte de Flandre, fut libérée par Everard ’t Serclaes, un héros dont un bas-relief sous une arcade de la Grand-Place rappelle le martyre, mais pour des faits bien ultérieurs à la délivrance de la ville.

De la période bourguignonne à celle des Habsbourg

En  1421, une insurrection permit aux corporations réunies en « nations » de forcer un accès au partage du pouvoir. Au nom d’un compromis bien compris entre gens de métier et patriciens, ce gouvernement d’alliance ne sera plus contesté à Bruxelles jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. En  1430, par le jeu des alliances matrimoniales, les ducs de Bourgogne, les princes les plus puissants d’Europe (ils sont déjà comtes de Flandre), agrandirent considérablement leur domaine en héritant d’une grande partie des Pays-Bas (dont le duché de Brabant, comprenant Anvers) et choisirent Bruxelles comme étape de leur cour itinérante. Toute cette époque où Bruxelles se dépensa sans compter pour fixer cette cour fut aussi marquée par un développement des arts et de l’artisanat, notamment la sculpture, l’orfèvrerie, le travail du cuir, l’enluminure et la tapisserie. N’est-ce pas à cette époque qu’on éleva l’hôtel de ville gothique et que tant de superbes retables furent ciselés ? La ville était riche, prospère même. Rogier Van der Weyden devint peintre officiel de la ville. Re-jeu des alliances, re-changement de pouvoir. La faute à Marie de Bourgogne (orpheline de Charles le Téméraire en 1477), qui se jeta dans les bras de Maximilien d’Autriche, un membre de la famille des Habsbourg. Résultat, en  1515, c’est son petit-fils Charles, régnant sur l’Espagne, les Pays-Bas et bientôt élu empereur germanique, qui arriva en ville et en grande pompe pour se faire couronner. En  1549, perpétuant la tradition des cortèges processionnels, on donna une fête en l’honneur de son fils, le futur Philippe  II, ce qui servit de modèle au célèbre Ommegang contemporain. Bruxelles continua de se parer de mille richesses et s’ouvrit sur l’extérieur. L’anatomiste André Vésale y fit progresser les connaissances sur le corps humain. Mais Philippe  II succéda à Charles Quint, préretraité en  1555, après son abdication dans la Magna Aula du palais des Ducs. Charles Quint avait rêvé d’un grand empire européen, vivant dans la paix civile et religieuse. Découragé, usé, fatigué, l’empereur préféra se retirer dans un monastère au fin fond de l’Espagne.

Les temps troublés

Le règne de Philippe II inaugura une période agitée, sur fond de guerres de Religion. Continuateur de la politique paternelle qui avait dès  1535 édicté les premières mesures contre la Réforme, il combattit le calvinisme qui avait fait beaucoup d’adeptes dans les couches aisées de la société. Fini la glorieuse époque, bonjour tristesse et déclin, cela durera près de deux siècles. Guillaume de Nassau, prince d’Orange, s’opposa à l’absolutisme de Philippe II et rassembla autour de lui les partisans de la religion nouvelle. L’un avait embrassé la foi protestante, l’autre restait un catholique intransigeant. L’Inquisition, après les exactions des iconoclastes, charria son cortège de souffrances. Le peintre Bruegel dénonça les excès de la guerre dans plusieurs de ses tableaux. Ce qui devait arriver alors arriva : le peuple se souleva, des révoltes éclatèrent et atteignirent leur paroxysme en  1568, lorsque le duc d’Albe, chargé d’appliquer la politique de Philippe II, contre l’avis de Marguerite de Parme (fille naturelle de Charles Quint et gouverneur des Pays-Bas), fit exécuter sur la Grand-Place les comtes d’Egmont et de Hornes, pourtant catholiques, mais opposés aux persécutions. Une plaque évoque encore ce drame sur un pilier de la maison du Roi. En  3  ans, 8  000  condamnations à mort furent prononcées par ce tribunal d’exception nommé Conseil des troubles. Jusqu’à la fin du XVIe  s, l’ambiance ne fut pas à la rigolade, Alexandre Farnèse, petit-fils de Charles Quint, soumit la ville en 1585.

Un peu de répit avant la catastrophe

Tout n’était pas sombre pour autant. Le canal de Willebroek, projeté dès 1477, avait été achevé en 1561 en reliant Bruxelles à la mer via l’Escaut, ce qui évitait les droits de douane que Malines percevait sur le parcours de la Senne. Le quartier nord-ouest de la ville devint un port et des quais furent aménagés. La fille de Philippe  II, l’ archiduchesse Isabelle et son époux Albert reprirent les rênes des Pays-Bas en  1598. Ils insufflèrent à Bruxelles une dynamique artistique et commerciale. Les heurts furent apaisés et les ordres religieux fleurirent dans un climat de contre-réforme magnifié par Pierre-Paul Rubens depuis Anvers. La production majeure de Bruxelles se concentra sur la dentelle dont l’époque était friande. Plusieurs milliers de dentellières y étaient occupées. En 1631, Marie de Médicis, évincée de la régence par Richelieu, trouva refuge auprès d’Isabelle à Bruxelles. Après des décennies de calme relatif, patatras ! La France entreprit de chambouler la carte de l’Europe. En  1695, les guerres menées par Louis  XIV contre la ligue d’Augsbourg conduisirent les flottes anglaise et hollandaise à bombarder les ports français de la Manche. Prenant prétexte de ces agressions, le roi donna l’ordre au maréchal de Villeroy de bombarder Bruxelles, l’opulente capitale de ces Pays-Bas espagnols qu’il rêvait d’annexer. En fait, ce n’était qu’une diversion destinée à détourner les troupes coalisées qui faisaient le siège de Namur et à les entraîner vers un champ de bataille plus favorable. Du vendredi soir 13  août au dimanche  15 à  12h, le centre de la ville fut bombardé à boulets incendiaires et 4  000  maisons furent réduites en cendres. Quatre ans plus tard, une nouvelle Grand-Place, flambant neuve (on n’a pas pu se retenir…), sortit des décombres et fit l’admiration de toute l’Europe. Mais le reste de la ville fut reconstruit sur le plan ancien, une occasion ratée de rationaliser l’urbanisme.

Des Autrichiens aux Hollandais en passant par les Français

En 1713, après le traité d’Utrecht, la ville devint autrichienne, mais toujours sous la férule des Habsbourg. Comme du temps des Espagnols, le début de cette domination n’apporta que des malheurs. Citons, pour exemple, la révolte des gens de métier qui acceptèrent mal les levées d’impôts et le déclin de leur participation au pouvoir et qui se solda par la décapitation pour l’exemple, en  1719, de leur doyen, François Anneessens. En  1731, un incendie détruisit le palais des ducs de Bourgogne sur le Coudenberg.
Charles de Lorraine, gouverneur des Pays-Bas (1744-1780), redonna néanmoins un peu de lustre à Bruxelles en la parant de nombreux monuments classiques d’inspiration française. La place de Lorraine (future place Royale), l’église Saint-Jacques-sur-Coudenberg et les rues alentour constituèrent en fait le premier grand chantier architectural de Bruxelles, avant beaucoup d’autres. L’avènement en Autriche de Joseph  II, despote éclairé, vit une réorganisation de la justice, du commerce et de l’industrie, et marqua la période de transition qui conduisit à la fin de l’Ancien Régime, clôturé par l’épisode des États-Belgique-Unis en 1790. Les Autrichiens, provisoirement chassés, revinrent en force avant de quitter définitivement le pays sous la poussée des armées de la République française. Après 1795, durant la présence française, Bruxelles se vit attribuer le statut de chef-lieu du département de la Dyle. L’apport de la Révolution entérina la fin des privilèges et la naissance des Droits de l’homme. En émergèrent un nouvel ordre institutionnel, économique, social et juridique et un système législatif qui amena sur le devant de la scène un acteur jusque-là effacé dans le débat politique  : le peuple. La Révolution laissa des traces marquantes dans l’organisation administrative : on vit se répandre l’usage du système métrique et du papier-monnaie. Les fortifications médiévales furent rasées ; n’en subsistent aujourd’hui que quatre portes et deux petites portions de courtines. Sous l’administration des Pays-Bas après la débâcle de Napoléon à Waterloo, Bruxelles partagea alors le rôle de capitale du nouvel ensemble politique avec La  Haye. Avec la création de la Société générale furent posés durant cette période les jalons d’une révolution industrielle qui verra la Belgique devenir la deuxième puissance économique du continent à la fin du XIXe s.

La capitale d’un nouvel État

En  1830, par rejet du calvinisme et de la culture néerlandaise, mais aussi en raison des discriminations subies par les Belges (pourtant démographiquement majoritaires) dans la fonction publique et l’armée et de la perte du marché français pour les industriels libéraux, le peuple se révolta contre les Hollandais. Dans la nuit du 24  au 25  août de cette année-là éclata la révolution. Inspirée par celle de juillet en France, elle démarra de Bruxelles et gagna vite les provinces. Les Hollandais furent chassés après de durs combats aux alentours du parc de Bruxelles. La Belgique gagna son indépendance après une conférence des puissances européennes à Londres et la ville devint la capitale du nouveau pays qui choisit le modèle de la monarchie parlementaire. Après quelques tergiversations, Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha y prêta le serment constitutionnel le 21 juillet 1831. Avec l’industrialisation, Bruxelles développa de nouveaux quartiers et de gigantesques travaux furent entrepris. L’ université libre de Bruxelles fut fondée sous l’influence des loges maçonniques. La seconde moitié du  XIXe  s, sous les règnes de Léopold  Ier et de Léopold II, voit la construction de gares importantes. Un réseau de chemin de fer très dense permit de rayonner dans toutes les directions du pays, la ligne Bruxelles-Malines (1835) étant la première construite sur le continent. Le percement du canal vers Charleroi mit le bassin houiller et sidérurgique du sud en liaison avec Anvers. Bruxelles se transforma considérablement  : distribution généralisée de l’eau potable, pose d’égouts modernes, édification des galeries Saint-Hubert (1846), voûtement de la Senne pour cause d’insalubrité (1865), construction du palais de justice (1866-1883) et création du parc du Cinquantenaire (1880). Les nouveaux quartiers firent l’objet d’un plan d’urbanisme novateur qui intégra facilement un impressionnant tissu de petites et moyennes entreprises, ce qui fit de la ville le premier pôle créateur d’emplois industriels du pays. Autant de facteurs qui contribuèrent à doubler sa population entre 1830 et 1900 pour atteindre les 230 000 habitants. Avec Victor Horta et ses suiveurs, de superbes demeures Art nouveau sortirent de terre au tournant du XXe s. Bruxelles connut alors un important rayonnement culturel. Des mouvements artistiques se formèrent et influencèrent les pays voisins. Les Expos universelles s’y succédèrent (1897, 1910, 1935), vantant le progrès des arts et de l’industrie et faisant de la ville un point de convergence des capitaux et des idées. La Bourse construite vers  1870 en est un des symboles. Occupée pendant les deux guerres mondiales, Bruxelles fut bombardée trois fois durant le second conflit.

Bruxelles aujourd’hui

Après la guerre, les grands travaux se poursuivirent. La construction de la jonction ferroviaire souterraine à six voies entre les gares du Midi et du Nord, étalée sur près de 50 ans, provoqua une saignée dans le tissu urbain du centre. Les projets de voies rapides, d’élargissement d’artères, de destruction de quartiers pour les transformer en immeubles de bureaux ne rencontrèrent que peu d’obstacles chez les responsables politiques. La ville, balafrée de partout, subit un véritable traumatisme. Bruxelles tourna alors comme une essoreuse  : elle renvoya sa population vers les banlieues plus riantes, laissant en son centre le champ libre aux spéculateurs de tout poil. La modernité prit le développement américain pour modèle. En 1958, nouvelle Exposition universelle. L’Atomium, symbole du progrès par la science et des Trente Glorieuses, en fut l’édifice phare. En  1967, le quartier nord subit l’assaut des pelles mécaniques pour créer une sorte de centre d’affaires prétentieusement appelé World Trade Center. En 1969, des comités se créèrent pour défendre la ville contre la spéculation et proposer des contreprojets mettant en avant la réhabilitation. Des combats furent gagnés pour sauvegarder certains édifices. Pourtant, tout le quartier dit aujourd’hui « de l’Europe », autour de la rue de la Loi, fut éventré pour élever des édifices ennuyeux qui accueilleront la « technostructure » européenne. Cette prise de conscience salutaire finit par faire émerger de nouvelles pratiques  : depuis 25  ans, le laisser-faire n’est plus de mise. On est passé à une politique de rénovation plutôt que de démolition, même les buildings des années 1960 ont été relookés. Le mobilier urbain a été remplacé pour offrir un environnement visuel plus agréable, et les voiries ont été redessinées pour faciliter la mobilité mais aussi pour ménager des zones de promenade aux piétons et de balades aux cyclistes. Les avenues sont relookées, des places comme Rogier ou De  Brouckère vont être entièrement repensées, et on se penchera sûrement un jour sur le problème des tunnels souterrains fermés pour certains, parce que vétustes donc dangereux, ce qui ne risque pas de résorber les bouchons… Mais il fait suffisamment bon vivre dans le nouveau Bruxelles qui s’étend tout autour du Pentagone pour attirer sans cesse de nouveaux arrivants, conquis par la ville qui se redessine aujourd’hui.

Bruxelles, ville-région

Parallèlement à la profonde transformation de son tissu urbain, la ville a connu une modification de son pouvoir, du fait du glissement progressif du pays vers le communautarisme. La Belgique tentait de répondre aux tiraillements entre les communautés flamande et francophone en redistribuant les cartes institutionnelles sur le modèle fédéral. En  1989, on créa la région de Bruxelles-Capitale, composée des 19 communes de l’agglomération. Les habitants de la région envoient au parlement régional 75 élus, répartis selon une clé linguistique âprement négociée de 65 francophones et 10 néerlandophones. L’exécutif est confié à un gouvernement régional de cinq ministres (deux francophones, deux Flamands et un ministre-président « linguistiquement asexué » !), flanqués de trois secrétaires d’État régionaux. En parallèle à la création des trois régions géographiques (Bruxelles-Capitale, Flandre et Wallonie), on créa des communautés linguistiques (francophone, néerlandophone et germanophone) qui, évidemment, ne recoupent pas les régions. Aujourd’hui, Bruxelles est une ville gigogne  : capitale du pays tout entier mais aussi capitale de la Flandre, tout en étant une région administrative à part entière. Certains souhaiteraient pousser le processus en faisant de la ville une région cogérée par les deux communautés ou même un district international à la manière de Washington  DC. Ce serait à coup sûr lui ôter définitivement ce qui reste de sa spécificité et cela priverait ses habitants du droit démocratique élémentaire de s’administrer eux-mêmes. Pour compléter le tableau, Bruxelles est également le siège de l’ OTAN, de l’ UEO, de la Commission européenne et du Parlement européen (commissions parlementaires). Ce dernier regroupe ses institutions dans un seul et même quartier, construit de toutes pièces pour flatter son ego, entre le Pentagone et le parc du Cinquantenaire.

L’EUROPE À BRUXELLES

Après des décennies de rivalité avec Strasbourg et Luxembourg, Bruxelles a semble-t-il définitivement acquis le titre de capitale de l’Europe. Elle abrite en permanence des institutions majeures de l’Union européenne  : la Commission européenne, le Conseil des ministres et le Parlement européen (qui y tient ses commissions parlementaires alors que les sessions plénières se déroulent une fois par mois à Strasbourg). Ces institutions à l’interaction parfois complexe drainent à Bruxelles une nébuleuse de groupes de pression qui exercent un lobbying soutenu à la hauteur des ambitions européennes. Avec plus de 500 cabinets-conseils, Bruxelles est la deuxième ville de lobbies au monde après Washington ! En dehors du Conseil de l’Europe à Strasbourg (avec le Parlement européen), la Cour européenne de justice à Luxembourg et la Banque centrale européenne à Francfort, Bruxelles est donc au cœur du pouvoir décisionnel de l’avenir du Vieux Continent.

La Commission européenne

À la suite des élections européennes de mai 2014, elle est à présent dirigée depuis novembre de cette même année par le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, désigné par une majorité politique du Parlement européen. Elle comprend 28  commissaires (plus le président) représentant les 28  pays de l’Union et veille à l’application des traités européens en répartissant la tâche entre 24  directions générales qui occupent 23  000  fonctionnaires. Elle propose les évolutions futures de l’Union et dispose de pouvoirs de décision. Elle cherche à concilier les points de vue des États membres. Son rôle est parfois perçu comme celui d’un super-gendarme administratif, surtout dans le domaine très sensible de la concurrence économique. Elle rend compte de sa tâche dans un rapport annuel présenté au Parlement européen.

Le Conseil de l’Union européenne

Épaulé par une armée de 2 000 fonctionnaires, c’est l’organisme qui vote les directives européennes ayant force de lois communautaires. Sa présidence est confiée par roulement à chacun des pays de l’Union, à raison de deux pays par an. Après la Slovaquie en 2016, ce sera à Malte et à l’Estonie de prendre les commandes. Le président du Conseil européen en exercice est le Polonais Donald Tusk, son mandat se terminera en mai 2017. Le Conseil est installé dans le mammouth architectural du Juste-Lipse.

Le Parlement européen

Les 766 députés qui y siègent sont les représentants élus tous les 5 ans par les électeurs des 28 États membres de l’Union au nom de ses 508  millions de citoyens. Il accueille à Bruxelles, 3  semaines sur  4, les commissions parlementaires préparatoires aux sessions de vote strasbourgeoises, et ce dans l’hémicycle du « Caprice des Dieux » (allusion moqueuse à sa forme en ellipse rappelant les contours de la boîte de la célèbre marque de fromage). Il amende et entérine les propositions de la Commission et exerce un pouvoir de codécision avec le Conseil des ministres. Son président jusqu’en 2017 est l’Allemand Martin Schulz. À  noter que l’on trouve aussi à Bruxelles la Cour des comptes, le Comité économique et social, ainsi que le Comité des régions.

Les eurocrates

Formant la moitié du contingent des Européens vivant à Bruxelles, les 40 000 eurocrates (un néologisme significatif), auxquels il faut associer les 20 000 lobbyistes, ont parfois mauvaise presse. La vox populi, parfois teintée d’ingratitude, a eu autrefois tendance à leur attribuer tous les maux de la capitale : la hausse de l’immobilier, la cherté des loyers, les embouteillages, les chantiers babyloniens, les prix élevés des restos. On leur prête exagérément des tas d’avantages éhontés  : leur salaire généreux, leurs magasins hors taxes, leurs primes d’expatriés (à croire qu’habiter Bruxelles constitue la punition suprême !), leur plaque d’immatriculation, le fait qu’ils ne paient pas d’impôts, leur facilité à faire sauter les PV… Tout cela est un peu vrai mais aussi un peu faux. L’immobilier bruxellois a subi des hausses, certes, mais bien moindres que dans d’autres capitales, et le prix moyen du mètre carré résidentiel reste l’un des plus bas des capitales européennes. Les eurocrates paient des impôts, eux aussi, mais à un taux moins élevé que ceux des Belges. À défaut de vrais magasins hors taxes, ils disposent, à leur installation, de quelques facilités pour acquérir des articles de base détaxés. Les embouteillages ? Les eurocrates sont parmi les plus grands utilisateurs du métro. Il est vrai, en revanche, que les restaurateurs et les cafetiers (et encore, pas tous) en profitent pour augmenter leurs prix. Leurs salaires plutôt plantureux ? Oui, mais ils ont choisi de vivre parfois loin de leur famille. Et eux, que pensent-ils de Bruxelles ? Ravis de se trouver à quelques heures de Londres, Paris, Amsterdam ou Cologne, où ils se rendent volontiers pour une expo ou du shopping le temps d’un week-end, ils la trouvent, en majorité, facile à vivre. Ils apprécient la modicité des loyers, comparés à ceux des autres grandes capitales, les moyens de transport et les banlieues vertes. Ils vénèrent les restos bruxellois, mais déplorent le provincialisme de la ville et surtout les chicaneries des administrations locales. Ils trouvent le centre assez sale et ne comprennent pas grand-chose aux problèmes belgo-belges. Ils vivent d’ailleurs un peu en cercle fermé, fréquentant après le bureau leurs pubs et restos nationaux groupés autour du rond-point Schuman, s’invitant les uns les autres et envoyant leurs enfants dans les écoles européennes. Les eurocrates se sentent bien à Bruxelles et ne demandent qu’à y rester. Quant aux Bruxellois, ils ont bien besoin de la manne qu’ils représentent (près de 5 milliards d’euros injectés tous les ans dans l’économie locale, soit 13 % du PIB de la région, générant, indirectement, près de 90 000 emplois). Et puis, à présent que se profile une Europe des Trente, où pourrait-elle s’installer ailleurs qu’à Bruxelles ?

TOPOGRAPHIE DE LA VILLE

Le Pentagone

Pour le visiteur pressé, l’observation rapide de notre plan de Bruxelles permet de cerner ce qu’on appelle communément le Pentagone. Mais pourquoi donc appeler « pentagone » une figure qui, en fait, a six côtés et non cinq ? Allez savoir ! Bref, le Pentagone constitue le cœur de Bruxelles. La ville d’en bas, par rapport à la ville d’en haut, diront les habitants d’Ixelles. Il est délimité par de larges boulevards, sorte de périphérique urbain, truffé de tunnels, qui épouse le tracé de la deuxième enceinte de la ville. Amusant : ces boulevards ne portent pas le même nom d’un côté et de l’autre de la chaussée. En  effet, à l’intérieur ils appartiennent à Bruxelles, et à l’extérieur à une commune différente.

Les communes de l’agglomération bruxelloise

Si vous avez bien suivi nos explications, vous savez donc que la région de Bruxelles-Capitale est un ensemble de 19 communes. La commune de Bruxelles-ville est l’une d’elles. Quand on consulte notre plan en couleurs, on s’aperçoit qu’elle se compose donc du Pentagone, additionné de plusieurs autres morceaux qui s’y sont greffés pour diverses raisons (simples calculs électoraux et spéculation immobilière, ironiseront certains). N’essayez pas d’y voir une cohérence géographique. Pour faire simple, disons que, hors de ce fameux Pentagone et de ses divers appendices, vous avez pas mal de probabilités d’être dans une autre commune. C’est pourquoi, une fois que vous aurez parcouru le centre de long en large, nous vous inviterons à aller découvrir ces nouveaux quartiers qui attirent aussi bien les nouveaux habitants que les touristes  : Saint-Gilles, Ixelles (non, pas la taille de T-shirt…), Uccle, au sud, mais aussi Anderlecht, Schaerbeek…

Au cœur du Pentagone

La Grande-Place

Longue de 110 m sur 68, c’est le vrai cœur de la ville. Avec ses dorures joliment restaurées et sa grande diversité décorative, ce petit bijou a bien sûr été classé par l’Unesco au Patrimoine mondial de l’humanité. « La plus belle place du monde », écrivait Victor Hugo. « Le plus beau théâtre du monde », déclarait Jean Cocteau. Ce qui frappe au premier coup d’œil, c’est une apparente cohésion architecturale alors que se confrontent des éléments très disparates, puisqu’en dehors des maisons bâties après  1695, l’ hôtel de ville est bien sûr du gothique tardif et la maison du Roi, l’ancienne halle au pain, une construction néogothique du  XIXe  s. Tout ici fut reconstruit sur plans, après 1695, date du grand bombardement de Bruxelles ordonné par Louis XIV et exécuté (c’est le mot juste) par le maréchal de Villeroy. La place entière, à l’exception de l’hôtel de ville, fut incendiée. Plus de 4 000 maisons en bois partirent en fumée dans les alentours. N’écoutant que leur courage, comme on dit dans les manuels d’histoire, les Bruxellois retroussèrent leurs manches, crachèrent dans leurs mains, éclusèrent quelques tonneaux de gueuze et bâtirent ce chef-d’œuvre de pierre en quelques années. Mais revenons un peu en arrière lorsque, ici, dès le XIIe s, se tenait un grand marché, véritable agora politique tout autant que place de commerce, entouré de marais. D’ailleurs, le mot « bruxelles » ne signifie-t-il pas « pont sur des marais » ? On retrouve, en  effet, ce symbole sur le drapeau de Bruxelles-Capitale : un iris sauvage jaune (une des seules fleurs capables de pousser dans l’eau des marais) sur fond bleu. La place prit de l’importance, devenant tour à tour lieu de réjouissances et témoignage de la puissance publique (on y dressait l’échafaud). Au  XIIIe  s, bourgeois et riches commerçants édifièrent les premières maisons en pierre (Steen). On pava ensuite et les corporations florissantes s’installèrent dans des maisons à pans de bois de la place. Le commerce du drap faisait alors la richesse de la ville.
Au XVe s, on élève l’hôtel de ville. En 1568, les comtes d’Egmont et de Hornes, critiques à l’égard de la gouvernance de l’envoyé de Philippe II, y perdirent la tête sous la hache du bourreau espagnol. Après le sauvage et non moins inutile bombardement français de  1695 (Napoléon déclara plus tard que cette destruction était stupide), on décida donc de repenser l’ordonnance de cette place, en contraignant les architectes à soumettre leurs plans à un magistrat. Ainsi naquit une émulation louable entre les différents corps de métiers, plus avides les uns que les autres à faire plus beau et plus riche que leur voisin. Résultat, surtout du côté ouest, une joyeuse cacophonie reflétant tous les particularismes, au grand dam de Maximilien-Emmanuel de Bavière, gouverneur de  1692 à 1706, qui, féru d’urbanisme, aurait voulu rebâtir la place dans une cohérence à l’image de l’autorité centrale dont il rêvait. Finalement, c’est cette diversité des styles de la place qui lui confère son charme.
À  noter que les deux pouvoirs historiquement opposés se faisaient face : l’hôtel de ville et la maison du Roi (le pouvoir communal et le pouvoir princier).
Pour sa reconstruction, plusieurs dizaines d’artistes se mirent au travail. Certains partirent en Italie pour s’imprégner des nouvelles influences et appliquèrent à la Grand-Place un style Renaissance tellement riche qu’on finit par le qualifier de baroque tardif. Et c’est vrai que chaque maison oscille constamment entre les styles Renaissance et baroque, qui se mêlent souvent imperceptiblement. Un savant mélange engendre un métissage architectural du plus bel effet. Sous des règles classiques (au 1er  étage, des colonnes doriques, au  2e, des ioniques, et au  3e, des corinthiennes), les artistes laissèrent aller leur imagination tout en réussissant à traduire dans la pierre les spécificités de chaque corporation. Parfois la symbolique est évidente, d’autres fois il faut bien la chercher.

Résultat : une place unique au monde. Ce qui fait dire aux Belges en s’adressant aux Français avec un brin de mauvaise foi  : « Finalement, si Louis  XIV n’avait pas bombardé la ville, nous n’aurions pas aujourd’hui une place aussi belle, une fois ! » Aujourd’hui, la plus fameuse place de la ville et d’Europe n’a pas complètement perdu sa vocation commerciale, puisqu’elle est le cadre quotidien d’un petit marché aux fleurs, réduit à un seul vendeur, il est vrai. Mais les années paires, vers le 15 août, elle est carrément recouverte d’un magnifique tapis de bégonias (environ 750  000, disposés en fonction de différentes thématiques), tandis que les années impaires (également autour du 15  août), elle accueille un jardin dans le cadre de l’événement Flowertime. Un véritable enchantement. C’est aussi le point de départ de tours en calèche pour partir à la découverte du quartier.

L’hôtel de ville

Érigé en gothique brabançon flamboyant très pur de 1401 à 1455, il était censé dépasser celui de Louvain en magnificence. Le bombardement français de 1695 en détruisit l’intérieur mais épargna miraculeusement toute la structure. Le portail n’est pas tout à fait dans l’axe de la tour. On raconte que l’architecte, réalisant son erreur, se jeta du haut de celle-ci. Franchement, si tous les architectes de Bruxelles qui ont fait des erreurs devaient se balancer par la fenêtre, il y aurait des embouteillages à l’entrée des cimetières… En fait, le brave Jan Van Ruysbroeck est mort dans son lit, bien après la fin des travaux, à l’âge respectable de 90 ans. Si le bâtiment est asymétrique, c’est simplement parce que l’aile gauche et la tour ont été construites en premier  par un autre architecte, Jacob van Thienen  : Van Ruysbroek, qui s’est occupé de la flèche de la tour et de l’aile droite, était limité par les rues qui bordent l’hôtel de ville. Il s’agissait à l’époque de ne surtout pas empiéter sur l’espace vital du neder merckt (le marché bas), qui avait la priorité sur l’édifice !
C’est le jeune duc de Bourgogne Charles le Téméraire qui posa la première pierre de cette nouvelle aile en  1444. La tour, haute de  97  m, est considérée comme un chef-d’œuvre de l’art gothique civil. Élancée, aérée et pleine d’élégance, cette coquette se compose de quatre étages qui s’affinent de plus en plus en grimpant, avec tourelles, clochetons, balcons en encorbellement, pinacles, hautes fenêtres flamboyantes, et se termine par une flèche de pierres ajourées. Au sommet se dresse un saint Michel terrassant le dragon, patron de la ville et qui fait office de girouette (l’original date du XVe s). C’est l’une des plus grandes girouettes d’Europe, en plaques de cuivre dorées à la feuille.
Les arcades qui bordent l’édifice au rez-de-chaussée abritaient autrefois les étals des marchands. Au-dessus, aux statues d’origine ont été rajoutées environ 300  sculptures du  XIXe  s, qui rendent hommage à tous les souverains et artistes de Bruxelles. Celles qui encadrent le portail sont des copies des statues d’origine qu’on peut voir au musée en face. Côté place, on identifie les princes, côté rue Charles-Buls, les bourgmestres et côté rue de la Tête-d’Or, les « génies » de la ville. Notez aussi que les fenêtres du 1er étage sont rectangulaires à gauche et ogivales à droite. À  voir aussi  : les mascarons grimaçants qui décorent les clés de voûte.
Au balcon d’honneur, le samedi matin, vous apercevrez peut-être un couple de jeunes mariés recevant l’ovation des grappes de touristes étonnés et ravis. Dans la cour d’honneur (accessible tout le temps), deux belles fontaines de pierre, allégories des deux grands fleuves belges, la Meuse et l’Escaut.

La maison du Roi et le musée de la Ville

En fait, c’était autrefois la broodhuis, la halle au pain et aucun roi n’y résida jamais. Placée en vis-à-vis de l’hôtel de ville, la halle fut remplacée par la maison du Duc (sous les ducs de Brabant puis de Bourgogne). Elle devint la maison du Roi sous Charles Quint, qui la rebâtit complètement en gothique tardif une première fois, et elle fut à nouveau totalement restructurée au XIXe s, en pastichant l’hôtel de ville d’Audenarde. Elle fut à la fois bureau du receveur général, tribunal et même prison (les comtes d’Egmont et de Hornes y passèrent leur dernière nuit, le 4  juin  1568, avant d’être exécutés). On découvre aujourd’hui un superbe bâtiment néogothique avec des volées d’arcades élégantes, loggia et balcon. Encadrant le portail, des statues de Marie de Bourgogne, de Charles Quint, des ducs Henri Ier et Jean Ier. L’édifice abrite un remarquable musée de la Ville de Bruxelles, à visiter pour bien comprendre les évolutions de la ville.

Les plus belles façades de la Grand-Place

étudions-les maintenant quelques instants, en commençant par l’ouest, côté gauche, à droite de l’hôtel de ville:

  • La maison du Renard   : la maison des Merciers, coiffée de la statue de saint Nicolas. Façade ornée de sculptures qui datent de la restauration du XIXe s. La plus centrale rappelle la justice impartiale (les yeux bandés), symbole de l’honnêteté dans le commerce. Ben voyons ! Elle est encadrée des quatre allégories des grands continents connus à l’époque avec lesquels les Merciers commerçaient.
  • Le Cornet  : il abritait la corporation des bateliers, qui donnèrent ce nom à la maison. D’un style purement italo-flamand, son pignon se caractérise par la forme d’une poupe de navire où quatre angelots soufflent des vents dans les quatre directions. Au 3e niveau, toute la symbolique de la mer. Au sommet, les armes du royaume d’Espagne, la balustrade du ponton. Baudelaire vécut ici.
  • La Louve  : maison de la guilde des archers de saint Sébastien, qui se caractérise par un bas-relief où la Louve romaine allaite Romulus et Remus. Style baroque tardif avec réminiscences Renaissance et, au-dessus, quatre allégories  : la Vérité, le Mensonge, la Paix et la Discorde. Au-dessus encore, des médaillons d’empereurs romains. Au sommet, un phénix doré rappelle que cette maison, comme l’oiseau, ressuscita plusieurs fois de ses cendres.
  • Le Sac  : doit son nom au bas-relief au-dessus de la porte. Façade particulièrement décorée : guirlandes, coquilles, balustres, cariatides et torchères. Elle hébergeait les menuisiers et les tonneliers.
  • La Brouette  : corporation des graissiers (d’où la statue de saint Gilles qui la surmonte). Deux brouettes surplombent le portail de cette façade très classique, presque ennuyeuse, où l’on retrouve les trois ordres classiques. Les façades de la Brouette et du Sac furent édifiées au milieu du XVIIe s. Elles ont survécu au bombardement.
  • Le Roi d’Espagne  : c’est la maison à la grande coupole, occupée par les boulangers. On notera le buste du saint-patron, Aubert, au-dessus de la porte, et celui du roi d’Espagne Charles  II au centre, qui coiffe deux prisonniers  : un Turc et un Indien. Élégante Renommée dorée au sommet. Le café Le  Roy d’Espagne, au rez-de-chaussée, possède une belle terrasse et une salle avec âtre où pendent des vessies de porc gonflées. Estaminet plus intime avec décor de rue aux étages pour s’attabler en bordure des fenêtres et jouir de la féerie lumineuse de la Grand-Place.
  • Côté nord-ouest (à gauche de la maison du Roi), série de maisons plus simples tant sur le plan architectural que décoratif. La maison du Paon (bas-relief en façade) et celle du Heaume (agrémentée de deux bas-reliefs sympathiques) mettent en scène des enfants.
  • Côté nord-est (à droite de la maison du Roi), une autre série de maisons. Jeter un œil à la chambre de l’Amman, l’Amman étant un magistrat représentant le duc de Brabant. Les armes du duc ornent d’ailleurs la façade. Et la maison s’appelle aujourd’hui : « Aux Armes de Brabant ».
  • Le Pigeon abritait, avant le bombardement, la corporation des peintres, mais ceux-ci durent la revendre car ils se ruinèrent lors la reconstruction. Victor Hugo y habita en 1852, fuyant les foudres de Napoléon III. C’est là qu’il a rédigé son pamphlet Napoléon le Petit. Classique, seule sa fenêtre vénitienne au 1er étage la sort un peu de sa banalité.
  • La Chaloupe d’or (superbe taverne) et la Taupe réunissaient les tailleurs. Portail surmonté du buste de sainte Barbe. Très belle brasserie précédée d’une terrasse très convoitée en été.
  • Côté sud, l’ensemble le plus imposant de la place rassemble en fait sous une seule façade six maisons sous le nom de maison des Ducs de Brabant, doublé d’un effet monolithique voulu par le gouverneur Maximilien-Emmanuel de Bavière, en place au moment du bombardement de 1695 : il espérait créer un ensemble viennois imposant du même style sur tous les côtés de la place. Dix-neuf bustes des différents ducs et duchesses, sérieux comme des papes, ornent la façade. Au pinacle, fronton allégorique de l’Abondance. Deux corporations résident à chacun des trois porches. Les médaillons les identifient  : des outils pour les Sculpteurs et les Maçons, un pot d’étain pour les charpentiers, un moulin à vent et à eau pour les meuniers, une Fortune pour les tanneurs, une bourse et un ermite pour… on ne sait qui. Les sculpteurs et les maçons constituent avec les ardoisiers et les tailleurs de pierre le « métier » des quatre couronnés.
  • Côté sud-ouest : même si la première maison à gauche s’appelle Mont Thabor et que l’architecte est connu sous le nom de Van de Putte, cette maison bourgeoise n’a jamais appartenu à la plus vieille corporation du monde mais tout simplement à un particulier. D’ailleurs, putte signifie « puits » en flamand.
  • La Rose appartenait, comme il se doit, à la famille Van der Rosen, symbolisée par une simple rose épanouie dans un vase prenant gracieusement l’air à une fenêtre.
  • La maison des Brasseurs, pour sa part, est ornée de bas-reliefs très explicites où l’on vendange et où l’on cueille le houblon. Au sommet, trône Charles de Lorraine à cheval (chacun son dada !), gouverneur de Bruxelles envoyé par Vienne au XVIIIe s, et respecté des habitants de la ville.
  • Le Cygne  : de style purement Louis XIV, le Cygne a accueilli la corporation… des bouchers (rien d’étonnant, on mangeait ce volatile au Moyen Âge !). Vers  1830, il fut transformé en café-logement. En  1847, Karl Marx venait y travailler avec Engels. Jules Vallès et les communards s’y époumonèrent. Le Parti ouvrier belge y fut fondé en  1885. Au sommet, allégories de l’Abondance, de l’Agriculture et de… la Boucherie. Tiens, on ne la voyait pas comme ça ! Aujourd’hui, le Cygne abrite un restaurant gastronomique très chic…
  • La dernière maison, la plus modeste, l’Étoile, reconstruite au  XIXe  s pour élargir la rue mais sans rez-de-chaussée, se caractérise par son arcade qui remplace le porche. Sous celui-ci, voir le beau bas-relief Art nouveau dédié à Charles Buls et à certains architectes qui participèrent à la rénovation de la Grand-Place.
  • La statue du gisant d’à côté date de  1902 et rend hommage au noble bourgmestre Evrard ’t Serclaes, qu’on voit sur son lit de mort. Ce « héros qui libéra Bruxelles des hommes du comte de Flandre au XIVe s » fut assassiné, puis vengé bien plus tard lors d’un conflit par les Bruxellois qui attaquèrent le château de Gaasbeek, où résidaient les assassins. Pour soutenir le siège du château, ils apportèrent des dizaines de poulets. De là le surnom des Bruxellois, Kiekefretters, littéralement « bouffeurs de poulets ». Il est de tradition de venir caresser la statue du héros.

Le Manneken-Pis : à l’angle de la rue de l’Étuve et de la rue du Chêne.
Eh oui ! Comme tout le monde, vous vous direz : « Oh, comme il est petit ! » 55,5 cm, pas un de plus ! C’est pourtant un grand monument à sa manière ! De plus, par rapport à la taille, la longueur du jet est infiniment respectable. Si la petite statue date du XVIIe s, il existait depuis le  XIVe s une fontaine de pierre, la fontaine du Petit-Julien, où les femmes venaient puiser l’eau, tout simplement. On y adjoignit en  1619 ce petit bonhomme de bronze, sculpté par Jérôme Duquesnoy. Il symbolise l’irrévérence et une certaine indépendance d’esprit en faisant devant tout le monde ce que d’habitude l’on fait en cachette. En  effet, c’est le seul « petit bonhomme » (Manneken) qu’on connaisse qui pisse dos au mur. Au rayon des anecdotes, avez-vous remarqué qu’il est gaucher ?
Depuis toujours, la tradition veut que les hôtes de la ville lui offrent un costume. Le premier fut Maximilien de Bavière, vainqueur du tir au papegai en  1698, qui lui fit cadeau d’un beau costume bleu et blanc. On rappelle que la plupart de ses panoplies (dont un costume de routard) sont visibles, par roulement, au musée de la Ville de Bruxelles, dans la maison du Roi, sur la Grand-Place. C’est, en fait, le plus petit top model du monde.
Le Manneken possède une grâce et un sourire espiègle qui le rendent particulièrement sympathique. Bien sûr, sa vie fut mouvementée. L’original fut conservé intact jusqu’à ce que les armées de Louis XV l’amputent d’un bras (on ne sait pas si c’est la main qui tient son jésus ou l’autre). Pour s’excuser, Louis  XV lui-même lui offrit un superbe costume de style… Louis XV. En 1817, il fut arraché de son socle, par un ancien forçat qui voulait se venger des institutions. Celui-ci se retrouva au violon pour 20  ans et se fit marquer au fer rouge en place publique. Régulièrement chahuté par les étudiants, il fut même enlevé par des Anversois en  1963 puis, en  1965, on le retrouva dans le canal. Il continue vaillamment, depuis, son petit pipi bonhomme, car il n’est jamais à court de liquide. Il possède une vraie nounou en la personne de son habilleur officiel, qui le change régulièrement. Vous aurez peut-être l’occasion d’assister à l’inauguration d’un nouveau costume. Sur la droite de la fontaine, sa petite échelle.
Sachez encore que son
débit est réglable et parfois, lors de certaines fêtes, il arrose jusqu’au milieu de la chaussée. De temps à autre, on lui fait même uriner de la bière. En 2007, il a aussi servi à une campagne de sensibilisation contre le cancer de la prostate  : il ne pissait plus que goutte à goutte !
Le petit garçon a aujourd’hui une petite compagne, Jeanneke-Pis, dans une impasse de la rue des Bouchers de toutes pièces créée à des fins commerciales, et on leur a adjoint un petit chien leveur de patte  : le Zinneke-Pis, du côté de la rue des Chartreux.

Les galeries Saint-Hubert, appelées aussi galerie du Roi, de la Reine et des Princes, selon la section ; on y pénètre par la rue du Marché-aux-Herbes. C’est un ensemble néoclassique pré-haussmannien, de 1840, date à laquelle l’architecte Cluysenaer les dessina. Considérées, à l’époque, comme particulièrement audacieuses, avec l’usage du fer et du verre, elles appartiennent au club doublement fermé des premières galeries couvertes d’Europe. Au fil des années, le lieu devint un endroit mondain où l’on pouvait rencontrer, au siège du Cercle artistique et littéraire (l’actuelle Taverne du Passage), des écrivains aussi célèbres que Baudelaire, Alexandre Dumas, Victor Hugo, Apollinaire ou Verlaine.
Pilastres de marbre, fenêtres en hémicycle, série de bustes perchés sur des corniches, elles constituent un ensemble architectural réussi, et la quasi-absence de néons leur a permis de conserver leur cachet. Salons de thé, brasseries, librairies de qualité, cinéma, théâtre et boutiques chic occupent les rez-de-chaussée. Les étages abritent des appartements privés. C’est ici que Verlaine acheta son pistolet et c’est dans un théâtre de la galerie, en 1896, qu’on projeta le premier film des frères Lumière.

LE QUARTIER ET LES MUSÉES DU MONT DES ARTS

Changement de quartier et même d’univers en quelques dizaines de minutes. Profitez de la traversée du parc de Bruxelles pour reprendre des forces avant de rejoindre la rue de la Régence. Il vous faudra être en pleine forme pour aborder le quartier de la place Royale, désormais le vrai pôle muséal de la ville.
La place Royale : en haut de la « montagne Froide » (Coudenberg), elle a été aménagée dans un style parfaitement néoclassique – et à vrai dire un peu ennuyeux – à la fin du XVIIIe s, qui rappellera à certains celui des places royales de l’est de la France. Ce sont d’ailleurs des architectes français qui la réalisèrent, menés par Guimard et Barré. Tout fut bâti à l’initiative de Charles de Lorraine, gouverneur des Pays-Bas sous les Autrichiens de 1749 à 1780. En son centre, une statue équestre de Godefroy de  Bouillon, l’illustre croisé autoproclamé « roi de Jérusalem ». Il remplaça la statue de Charles de Lorraine, descellée par les sans-culottes. Côté est, l’église Saint-Jacques-sur-Coudenberg au style néogrec avec colonnades. C’est sur une estrade devant l’église que Léopold  Ier  prêta le serment constitutionnel le 21 juillet 1831.

LE QUARTIER DU SABLON

L’église Notre-Dame-de-la-Chapelle  : pl. de la Chapelle, 1000. Postée à la frontière entre les Sablons et les Marolles, elle se situait en dehors de la première enceinte, et donc dans le faubourg. C’est un bel exemple de gothique brabançon, caractérisé par sa grosse tour-porche carrée. Au-dessus de la porte, une Sainte Trinité de Constantin Meunier, sculpteur talentueux du  XIXe  s. Construite au  XIe  s et maintes fois remaniée, l’église abrite un mémorial dédié à Bruegel l’Ancien, situé dans la quatrième chapelle du collatéral de droite.

Le palais de justice : Le rêve délirant commandé par le gouvernement de Léopold  Ier. Il reçut rapidement le surnom mérité de « Mammouth », vu l’ampleur de l’édifice. C’est l’architecte Poelaert qui « commit » cette chose colossale, monstrueuse même à certains égards. Imaginez : 2,6 ha de surface ! Rappelons que Saint-Pierre de Rome ne couvre que 2,2  ha. C’est bien simple, il fut le plus grand édifice construit en Europe jusqu’à l’édification du palais de Ceausescu à Bucarest. Inauguré en 1883 en grande pompe, il devait symboliser la grandeur de Bruxelles, que Léopold  II voulait faire rivaliser avec Paris. Résultat : une étrange mixture de styles, avec du néoclassique, de l’assyro-babylonien, quelques références au gothique et bien d’autres influences indéfinissables. Le chantier a vu son budget dépasser les 50  millions de francs de l’époque (ce qui équivalait à une année entière de travaux publics dans le royaume) pour une estimation initiale de 4 millions à peine !

Cette démesure et la liberté laissée à l’architecte d’outrepasser presque toutes les règles initialement imposées restent encore un grand mystère. Savoir aussi qu’il a fallu amputer en partie le quartier des Marolles pour édifier la bête ! Voyez ce porche démesuré qui s’élève à plus de  40  m, et puis cette coupole, bien plus haut, presque riquiqui par rapport à l’ensemble. Une pyramide devait coiffer l’ensemble, on préféra une coupole pour ne pas encore alourdir les frais. Le palais s’organise autour du vide central de la salle des pas perdus, culminant à 100 m sous la coupole.
Pendant l’Occupation, les Allemands avaient entreposé des bouteilles de bon vin et de champagne dans les caves du palais. Les habitants des Marolles en volèrent beaucoup à la Libération. Les nazis mirent le feu à la coupole pour détruire leurs archives. Toute la statuaire évoque évidemment la justice sous toutes ses formes. On vous passe les détails, vous allez vous endormir. Pour finir, sachez qu’Orson Welles voulut y tourner Le  Procès et qu’un de ses plus fervents admirateurs fut Hitler lui-même, de même que Sigmund Freud, mais pour des raisons différentes…
Aujourd’hui, un autre chantier de longue durée semble avoir placé le palais sous la protection de multiples échafaudages, alors même que les plus étranges rumeurs circulent sur ce qu’il pourrait abriter un jour ou l’autre, afin de réaffecter de manière rentable la surface existante.





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6 août : Bruxelles – Luxembourg

C’est notre dernier jour en Belgique … Nous quittons Bruxelles pour Luxembourg. En chemin nous nous nous arrêtons à Dinant.

Il y a beaucoup de monde. C’est vrai que c’est samedi et qu’il fait grand beau. Nous laissons la voiture sur la rive gauche de la Meuse et traversons le pont Charles de Gaule pour aller visiter l’église et monter, en téléphérique !!!, à la citadelle. De là on a une superbe vue sur la ville en contre-bas et sur la Meuse.

En fin d’après-midi nous arrivons à Luxembourg. Les bagages déposés à l’hôtel nous partons à la découverte de la ville haute.

Toutes les photos ici.

Ce fut la deuxième bonne ville de la principauté de Liège. Tout en longueur. Normal, entre falaises et fleuve, il ne lui restait plus beaucoup de place pour s’urbaniser. Avec le clocher à bulbes de sa collégiale, sa forteresse et ses toits bleus, une des images les plus célèbres du tourisme wallon.

Bien défendu par son rocher, le site connaît d’abord un peuplement celtique. Puis se crée une bourgade gallo-romaine prospère. Au Moyen Âge, c’est l’un des ports les plus importants, avec Liège et Namur. À  partir du  XIIe  s, la richesse de la ville s’accroît avec l’industrie de la dinanderie (le cuivre martelé), nom dont la ville est gracieusement à l’origine. Appartenant à la principauté de Liège, Dinant est souvent en bisbille avec sa voisine Bouvignes, appartenant quant à elle à la province de Namur et qui travaille aussi le cuivre. Dans le genre « scoumoune guerrière », Dinant rivalise avec Namur. 17 sièges, paraît-il, et de nombreuses fois détruite. Ça commence avec les Bourguignons en  1466. Dinant fait le mauvais choix et rejoint le camp de Louis XI. Charles le Téméraire, en une expédition de 7  jours, liquide la ville. 800  Dinantais, attachés deux par deux, sont noyés dans la Meuse. Depuis, ils portent le nom de copères (encore une paire… à l’eau). En 1554, ce sont les Français, alors en guerre contre Charles Quint, qui remettent ça. En 1675, Louis XIV s’empare de la ville (mais dégâts minimum) et, en  1789, elle est affaiblie par les troubles révolutionnaires. La guerre de 1914-1918 fut elle aussi très meurtrière. Les Allemands en incendient les trois quarts. Beaucoup de massacres. Reconstruite, la ville subit à nouveau des bombardements destructeurs de  1940 à  1944. Et pourtant, Dinant est toujours là, debout, pimpante, accueillante, surtout lorsqu’elle a fêté, en  2014, son fils chéri Adolphe Sax, né 100 ans plus tôt, et en garnissant son célèbre pont de 28 saxos géants chamarrés aux couleurs des pays de l’Union européenne.

La collégiale Notre-Dame  : Il y eut d’abord une église romane, écrasée en  1227 par un pan de la falaise et reconstruite peu après. Les voûtes furent refaites après le passage de Charles le Téméraire. Le curieux clocher à bulbes date, quant à lui, de 1566. Le seul vestige de l’église romane se trouve sur le côté extérieur gauche. C’est un portail, aujourd’hui muré, avec une Vierge à l’Enfant très dégradée. À l’intérieur, à droite, la petite chapelle avec les fonts baptismaux de 1472 fut aménagée devant un vieux portail du XIIIe s. Belle ampleur de la nef voûtée d’ogives en pierre. Chaire du  XVIIIe  s. Grands confessionnaux au fond, d’époque Louis  XIV. Déambulatoire autour du chœur, avec, derrière l’autel, un curieux saint Perpète (patron des forçats ?). L’immense verrière est l’une des plus hautes d’Europe (bleus superbes). Dans le transept gauche, gisant de 1356.

La citadelle   : Il y eut d’abord une première forteresse construite par le prince-évêque de Liège. Démolie par Charles (le  Téméraire) en  1466. Aménagée par Louis XIV. Pour finir, reconstruite par les Hollandais en 1818 pour empêcher les Français de refaire des bêtises. La visite (guidée) commence par trois dioramas grand format sur l’histoire militaire de la région. Ensuite, on va voir la prison (doublée d’une salle de torture), avant d’aller admirer le panorama puis de visiter encore d’autres parties, comme la boulangerie, les cuisines, le musée d’armes et la reconstitution d’une tranchée de la Première Guerre mondiale… qui réserve une surprise un peu déroutante à la fin.
Un nouvel espace a été aménagé, où, plongé dans le noir, le visiteur se trouve dans la peau d’un soldat au cœur des combats. À l’arrière de la citadelle, sur le plateau, cimetière français où reposent les combattants tombés en 1914.

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6 août : Luxembourg – Suisse

Avant de prendre la route pour le longe trajet de retour vers la Suisse, nous descendons visiter la ville basse, au bord de l’Alzette.

Toutes les photos ici.

Luxembourg, la capitale du pays, est une ville à taille humaine qui a su conserver les traces de son passé. Il ne faudra donc pas manquer de voir les fortifications de la ville, inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco, et puis de visiter le palais Grand-Ducal de style renaissant. Mais Luxembourg est aussi une ville moderne, celle qui a vu naitre R. Schumann, un des pères de l’Europe et celle du MUDAM, le musée d’Art moderne.

Ancien faubourg, Clausen est aujourd’hui rattaché à la capitale du pays. Le quartier fut pendant longtemps tourné vers la rivière de l’Alzette, d’où la présence de trois charmants moulins et de nombreuses blanchisseries. De nombreux travaux de rénovations sont en cours pour faire de Clausen un endroit moderne mais authentique, à l’image des très animées Rives de Clausen.

Saint-Jean-du-Grund est une église du tout début du XVIIIes, idéalement située dans la vieille ville, en contrebas de l’église Saint-Michel. L’église Saint Jean du Grund ne dépend aujourd’hui plus de l’abbaye de Munster. Si la façade est assez classique (outre peut être le portique), l’intérieur en revanche est un petit trésor : chœur de style baroque, très bel orgue du XVIIIes, Vierge noire du XIVes.

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